Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

PORTRAIT TOUT CRACHÉ. LONDRES SE PENCHE CET HIVER SUR LE CAS STUART PEARSON WRIGHT, PEINTRE BRITISH ET OVNI CONTEMPORAIN, HANTÉ PAR L’AUTOPORTRAIT… ET KEIRA KNIGHTLEY.

STUART PEARSON WRIGHT, THE RIFLEMAKER, 79, BEAK STREET, À LONDRES. DU 09/01 AU 15/02.

Stuart Pearson Wright, artiste britannique né en 1979, est une sorte d’ovni de l’art contemporain. Son travail évolue autour du portrait et surtout de l’autoportrait -il a remporté le BP Portrait Award à l’âge de 26 ans-, un genre pas forcément prisé par une époque préférant des narcissismes plus discrets ou moins assumés. Wright n’en a cure: il revendique pleinement la dose de nombrilisme à l’£uvre dans son travail. A cette protubérance de l’ego, s’ajoute un problème fondateur qui plane au-dessus de son existence: enfant parmi les premiers à être nés d’une insémination artificielle, il n’a jamais connu son père. Ce vide identitaire le hante littéralement ou, pour être plus exact, picturalement. Pour le combler, il a en un premier temps enchaîné des toiles le représentant sous la forme de différents archétypes masculins, du cow-boy au marin en passant par l’acteur de série B ou le « bon vieux chanteur de folk ». Regroupés sous l’intitulé I Remember You, ces tableaux transpirent la fascination du petit enfant avide de se trouver un héros à l’ombre duquel grandir. Malgré cela, pour ce peintre venu de Northampton, la tentative d’identification fonctionne en creux. Loin de lui l’idée de se rêver cow-boy: les différentes figures masculines endossées lui révèlent avant tout ce qu’il n’est pas. C’est donc avec beaucoup de précautions qu’il faut interpréter les séries de toiles qui le représentent en mode « wild wild west » -chemise à carreaux, barbe hirsute ou encore montagnes de sapins en arrière-plan qui ne sont pas sans rappeler un romantisme à la Caspar David Friedrich- et toujours accompagné d’un personnage féminin éploré. Pour Together in Electric Dreams, sa seconde exposition à la galerie The Riflemaker à Londres, le Britannique déploie un autre lot de portraits. Cette fois, il prolonge sa quête identitaire en sortant du cadre pour laisser la place à des visages qui ne sont pas les siens. Ainsi de celui de Keira Knightley, présentée sur fond de décor urbain plutôt miteux et éclairée d’une lumière blafarde. Stuart Pearson Wright fait du regard de l’actrice -des yeux maquillés dont le mascara coule- le centre de la toile. Un centre en forme de profession de foi qui s’insurge contre la tyrannie du bonheur et la conspiration collective hystérique d’un monde phagocyté par l’image. C’est sûr: l’hypocrisie ne passera pas par Wright.

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MICHEL VERLINDEN

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