BACK TO ENGLAND – Sur les pas d’un gamin séduit par une bande de skinheads, Shane Meadows livre une photographie crue de l’Angleterre sous Margaret Thatcher.

De Shane Meadows. Avec Thomas Turgoose, Stephen Graham et Andrew Shim. Musique de Ludovico Einaudi. 1 h 37. Sortie: 20/02.

C’est d’abord un film d’époque, celui d’un temps, si loin mais si proche, où l’Angleterre, saignée par Margaret Thatcher, s’en va guerroyer aux Malouines, tentant de raviver la flamme de sa puissance impériale oubliée. Et puis, c’est l’histoire d’un gamin, Shaun, 12 ans, (Thomas Turgoose, impeccable) qui vit dans le souvenir d’un père disparu au combat et la solitude morne d’une petite ville de province.

Le profil, tendance souffre-douleur en option, semble tout tracé, lorsque Shaun rencontre une bande de skinheads de la localité. Le look, la musique, les soirées, il n’en faut guère plus pour séduire le jeune garçon, tout à la joie de découvrir un monde insoupçonné en même temps qu’il s’abandonne au sentiment grisant d’appartenir à une bande. Un moment innocente, l’humeur change du tout au tout avec le retour de prison de Combo, un skinhead raciste et inquiétant, doté cependant d’un charisme incontestable. Ce dernier a tôt fait de prendre Shaun sous sa coupe, pour l’entraîner, insensiblement, en terrain miné…

GLISSEMENT VERTIGINEUX

A teneur partiellement autobiographique, This Is England est le récit d’une sortie abrupte de l’enfance. C’est aussi l’occasion pour Shane Meadows, de tirer un portrait réaliste de l’Angleterre des années 80 à travers le prisme d’un mouvement ancré dans la culture populaire britannique, les skinheads. L’intérêt du propos réside dans la complexité et les paradoxes mêmes de ce courant, et l’attention toute particulière qu’apporte le réalisateur à son recadrage. A travers sa galerie de protagonistes, Meadows propose en effet une mosaïque qui rappelle les racines sociologiques et culturelles d’un mouvement d’abord tolérant apparu à la fin des sixties, non sans en souligner le glissement vertigineux. Jusqu’à, pour nombre de ses membres, succomber, dans la confusion et l’abandon des années Thatcher, aux sirènes nationalistes et ouvertement racistes du National Front.

S’il dispense bien un message (de façon fort explicite, même), This Is England n’a pas, pour autant, la lourdeur du film à thèse: ses personnages, certes englués au c£ur de leurs contradictions, vivent et vibrent, autant que faire se peut dans cet environnement plombé. Naturaliste dans son approche, le film n’en est que plus fort et secouant, dérangeant même. This Was England, indeed.

www.thisisenglandmovie.co.uk

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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