A l’affiche de Hancock, la comédienne d’origine sud-africaine charlize theron poursuit une carrière exemplaire, se multipliant sur différents fronts avec une égale réussite.

On ne devient pas par hasard l’égérie de Dior – incarnation du glamour étalée dans d’innombrables publications et sur pratiquement toutes les colonnes Morris. Aussi, lorsque Charlize Theron entre dans la pièce où se déroule la rencontre, c’est forcément sa beauté que l’on observe en premier, à la fois naturelle et sophistiquée. Sentiment que prolongeront bientôt ses propos, traduisant des élans spontanés, mais néanmoins réfléchis; bien dans sa peau, et bien dans sa tête, en somme.

Au vrai, sa filmographie parle pour elle: depuis une bonne dizaine d’années maintenant et son rôle dans 2 Days in the Valley, la comédienne navigue avec bonheur dans les différentes eaux du cinéma américain, qu’il soit indépendant ou hollywoodien, engagé ou de pur divertissement. Aussi crédible dans un drame d’un noir d’encre comme The Yards de James Gray, que sous les traits de Britt Ekland dans The Life and Death of Peter Sellers de Stephen Hopkins; sans même parler, bien entendu, de son interprétation d’Aileen Wuornos dans Monster, un rôle à transformation qui lui valut un oscar.

FAIRE TOMBER LES BARRIERES

Son actualité du moment, c’est donc Hancock de Peter Berg, un film où son quotidien familial paisible est troublé par l’irruption de Hancock (Will Smith, imparable), un super héros ivrogne, irascible et fort en gueule que ses coups d’éclat à répétition ont rendu littéralement infréquentable.  » Ce qui m’a plu, c’est l’alchimie toute particulière qui s’établit entre ces deux personnages. C’est une relation conflictuelle, parce que Mary Embrey, le rôle que j’interprète, a créé une sorte de famille parfaite. Mais il s’agit surtout d’une femme coincée entre deux mondes et confrontée à un choix… » Une perspective qui élargit aussi le spectre du film au-delà du seul terrain de jeu traditionnel des super héros, fort encombré ces temps-ci avec les Hulk, Iron Man et autre Batman à venir.  » Hancock est, pour moi, l’un de ces films qui font tomber des barrières. Il ne s’agit pas d’un film de genre, il explore des territoires multiples. J’aspire à tourner plus de films comme celui-là, qui s’adressent à tout le monde, pas exclusivement aux gamins de 17 ans, ou aux ménagères du Midwest, voire encore aux libéraux des grandes villes. »

Aller à l’encontre des clivages traditionnels, des cloisonnements et distinctions arbitraires, voilà qui pourrait d’ailleurs apparaître comme la ligne de conduite privilégiée de Charlize Theron – tant par les choix qu’elle a posés jusqu’ici, que dans l’orientation qu’elle souhaite donner à sa carrière, s’appuyant notamment sur l’expérience d’un certain… Will Smith.  » Nous en avons beaucoup parlé. Will est en mesure de faire changer les choses dans l’industrie du cinéma. Les acteurs sont tellement compartimentés: soit on fait de petits films indépendants soutenus par la critique, et collectionnant les prix. Soit, dans l’esprit des gens tout au moins, on se compromet en tournant des gros films pour payer les factures. Will est désormais dans une position où il peut faire monter sur son nom des films associant un budget confortable et la perspective d’un impact important au box-office, à sa volonté de travailler sur du matériel de bonne qualité. Voilà qui mettrait fin au clivage que je viens d’énoncer, encore que je n’ai certainement pas à me plaindre. Telle que vous me voyez, assise en face de vous, je peux vous dire honnêtement que chacun de mes choix s’est basé sur la conviction sincère que le matériel en valait la peine. Ce qui ne signifie pas que tous ces films aient été des réussites, il y a même eu de vraies catastrophes (rires) . Mais au départ, il y avait un potentiel… »

On est tout disposé à la croire, Charlize Theron évoluant à mille lieues du cliché de la bimbo à qui l’on donnerait du « sois blonde et tais-toi », pour plutôt incarner un mélange d’inspiration et de détermination. A quoi l’on ajoutera encore la discipline, héritage de la difficile école de la danse – venue d’Afrique du Sud en transitant par l’Europe, elle suit une formation de ballerine au Joffrey Ballet de New York, avant qu’un accident au genou ne l’écarte de la scène.  » La danse me semble être une excellente discipline pour tout ce qu’on peut entreprendre dans l’existence. Pour réussir dans la danse, comme dans certains sports, il faut vraiment avoir l’esprit dès le plus jeune âge. Cette capacité à se fixer sur une chose, associée à une discipline de travail très dure, m’ont en quelque sorte formée. »

Autant dire aussi qu’elle n’est pas du genre à s’en laisser conter. Le magazine Esquire lui décerne le prix de la femme la plus sexy de l’année en 2007?  » C’est bien aimable à eux, c’est évidemment un immense compliment, certainement dans cette industrie, mais cela ne veut rien dire, la femme la plus sexy au monde. » Ce qui s’appelle savoir relativiser, pour le moins. Du reste, et sur ce même terrain de l’apparence physique, a-t-elle démontré pouvoir mettre sa beauté en veilleuse si, d’aventure, un rôle le commande, disposition dont Monster n’est jamais que l’exemple le plus frappant.  » Le look est, pour moi, totalement secondaire à ce niveau. Jamais, je ne lis un scénario en me disant waouh, je vais ressembler à cela, génial, je le fais … Mon travail consiste à me mettre au service d’une histoire. Je ne comprends pas que le physique soit devenu primordial à un point tel qu’on a l’impression que les gens ne s’intéressent plus à autre chose. Pour moi, les films représentent notre société. Les bons films sont ceux qui s’appuyent sur des histoires pleines de vérité, de profondeur et de densité – voilà ce qui m’importe, bien plus que mon apparence. »

Parlez-lui, par exemple, de In the Valley of Elah, qu’elle tourna l’an dernier avec Paul Haggis, et où elle interprétait une femme-flic aidant le père d’un GI dans sa recherche de son fils disparu au retour d’Irak, et la voilà qui s’anime.  » Ce n’était pas spécialement une prise de position politique à mes yeux, même si je n’ai jamais fait mystère de mon opinion sur cette guerre et sur l’administration Bush. Je ne cherchais pas à tourner dans un film qui aborde cela. Quand Paul m’a approchée, on commençait à peine à parler du stress post-traumatique, c’était un terrain inviolé. J’ai commencé à visionner des documentaires et à voir les gens concernés sans chercher à affirmer quoi que ce soit. J’aime ce film parce qu’il ne porte pas tant sur la guerre que sur la condition humaine. La guerre, c’est un exemple atroce de ce que l’homme, placé dans de mauvaises circonstances, est susceptible de faire à ses semblables. »

A propos de contenu encore, la comédienne est allée puiser à bonne source, puisque l’un de ses prochains films ne sera autre que The Road de John Hillcoat, adapté de Cormac McCarthy:  » Ce roman a changé ma vie. C’est un ouvrage profond, totalement pertinent eu égard à l’état du monde aujourd’hui, et en même temps porteur d’un formidable message d’espoir. » En phase, assurément, avec les préoccupations d’une femme du monde militant pour l’égalité des droits, quand elle ne s’engage pas activement au sein d’une organisation humanitaire en Afrique du Sud, mais c’est là une autre histoire…

Au fait, et pour terminer sur une note à la fois plus légère et plus en rapport avec Hancock, y a-t-il un super pouvoir dont elle aimerait disposer? Un temps de réflexion:  » Je ne sais pas, mais se promener en rue et voir les gens marcher nus serait amusant. Peut-être effrayant aussi, mais il y aurait un côté humoristique à la chose… » On demande à voir…

2 DAYS IN THE VALLEY de John Herzfeld, 1996

CELEBRITY de Woody Allen, 1998

THE ITALIAN JOB de F. Gary Gray, 2003

MONSTER de Patty Jenkins, 2003

AEON FLUX de Karyn Kusama, 2005

IN THE VALLEY OF ELAH de Paul Haggis, 2007

ENTRETIEN: JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS, à LOS ANGELES; J.F. PL.

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