There’s a riot going on…

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

AVEC LEUR TROISIÈME ALBUM, RUN THE JEWELS BALANCENT LA PARFAITE BANDE-SON DE LA PROCHAINE RÉVOLUTION. LOUDER THAN A BOMB

Run The Jewels

« Run The Jewels 3 »

DISTRIBUÉ PAR MASS APPEAL/V2.

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La chanteuse américaine Amanda Palmer le faisait encore remarquer quelques jours avant la nouvelle année, lors d’une conférence de presse au Woodford festival, en Australie: si l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’a rien de rassurant, elle aura au moins le mérite de faire renaître la notion d’engagement dans l’art. Citée par le Guardian, la moitié des Dresden Dolls déclarait notamment: « L’atmosphère en Amérique est vraiment très effrayante (…). Mais étant de nature optimiste, il y a une partie de moi qui se dit, en particulier après avoir étudié la république de Weimar, que c’est « notre moment ». Donald Trump va redonner des couleurs à la musique punk-rock. Si le climat politique continue de se détériorer, l’art devra répondre. »

On ne peut pas dire que Run The Jewels ait attendu le résultat des dernières élections américaines pour monter aux barricades. Dès le départ, l’association entre Killer Mike et El-P -deux poids lourds du rap indé, l’un Noir, l’autre Blanc- s’est voulue frontale, revendicatrice, engagée. Deux premiers albums furieux l’ont prouvé. Avec, à la clé, une reconnaissance critique et publique, que l’un et l’autre n’avaient jamais réellement connue dans leur parcours individuel. Et Killer Mike de se retrouver ainsi bientôt invité à commenter les dernières brutalités policières envers la communauté afro-américaine sur le plateau de CNN. Ou de s’engager clairement aux côtés de Bernie Sanders dans la course à l’investiture démocrate…

Avec ce troisième volet (en trois ans), RTJ lance une nouvelle charge énervée. Leur force: la constance et la cohérence. Leur arme secrète: l’humour, qui empêche les envolées trop lyriques et toujours un peu gênantes. RTJ, c’est d’abord une bromance enlevée, une histoire de potes qui partagent leurs exaspérations. Sur A Report to the Shareholders, El-P clame par exemple: « Hey, not from the same part of town, but we both hear the same sound coming/And it sounds like war. » Sur ce nouvel épisode, le binôme invite quelques guests de luxe: Zack de la Rocha (Rage Against The Machine), Danny Brown, le saxo jazz de Kamasi Washington, etc. Mais ce sont bien eux qui enflamment le débat. Leur cible? Le nouveau locataire de la Maison Blanche évidemment, mais aussi plus largement le pouvoir du fric et de la finance. Alors qu’on pensait le concept dépassé, RTJ montre ainsi que la lutte des classes n’a rien perdu de sa pertinence. « Poor folk love us/The rich hate our faces/We talk too loud, won’t remain in our places », assure El-P sur Everybody Stay Calm. Musicalement, la charge est toujours menée pied au plancher, n’offrant que de rares respirations (Oh Mama). C’est un peu la limite d’une trame sonique dont on connaît désormais les principaux tics. Si on les voit venir de loin, Killer Mike et El-P restent cependant des rappeurs redoutables, le verbe bagarreur et haut en couleur. Plus pertinent et plus nécessaire que jamais…

LAURENT HOEBRECHTS

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