POUR SON 3E ALBUM, THE DO A GLISSÉ UN PEU D’ÉLECTRONIQUE DANS SA POP, PLUS LUMINEUSE QUE JAMAIS. EXPLICATIONS AVEC LES INTÉRESSÉS AVANT LEUR PROCHAIN CONCERT BRUXELLOIS, COMPLET,AU BOTANIQUE.

A droite, Olivia Merilahti, moitié boréale de The Do. A gauche, Dan Lévy, dégaine de mousquetaire et grande gueule assumée de la combinaison finno-française. On les connaît bien, tous les deux. Né en même temps que ce magazine, en 2008, The Do a cartonné avec un premier album (Mouthful et son hit Over My Shoulders), suivi trois ans plus tard de Both Ways Open Jaws -l’occasion de confirmer l’option pop indé, glissant régulièrement le petit grain dans les rouages, empêchant la pose papier glacé.

Leur nouveau Shake Shook Shaken est sorti il y a quelques semaines. Les intéressés le présentent volontiers comme leur album « synthétique ». « Sur la fin de la dernière tournée, explique Olivia Merilahti, on a joué sans batteur. Du coup, Dan et moi avons commencé à explorer de nouvelles pistes avec des boîtes à rythme, quelques synthés. C’était déjà présent sur les disques précédents, mais cette fois, on voulait assumer cette direction plus franchement. » Le premier morceau du disque, Keep Your Lips Sealed, résume bien l’intention: voix trafiquées, rythmiques digitales, claviers vintage joués à deux doigts, mais aussi -on ne se refait pas- un refrain orchestral emphatique.

Si cela ne saute pas directement aux oreilles, le duo cite également l’influence des productions hip hop. « Dans le rap, les mecs osent tout. Ecoutez par exemple Pusha T qui sample une foule qui crie pour marquer le 2e ou le 3e temps. Je trouve ça génial! On ne se permet pas ça dans la chanson française, même si cela évolue. »

New York state of mind

Comme son nom l’indique, Shake Shook Shaken secoue et danse donc davantage qu’à l’habitude. Le verbe anglais reste toutefois irrégulier, et si The Do bouge, c’est à sa manière. « Le club n’a jamais été vraiment un endroit de prédilection pour moi, explique par exemple Olivia Merilahti. Cela dit, pendant le processus d’écriture, j’ai fréquenté un peu plus la nuit. De manière presque documentaire. Il y avait une énergie qui m’intéressait. » Lévy: « Maintenant, tu mixes même en soirée. Tu ne peux pas t’en empêcher: passer de l’autre côté. »

Le duo a beau tenter de cadrer son propos en interview, l’un et l’autre ne peuvent s’empêcher de régulièrement nuancer, voire contredire le discours du partenaire. C’est assez amusant à observer et probablement assez exemplatif de la manière dont fonctionne le binôme en studio. Même si les rôles sont plus ou moins fixés. Pour Lévy, les arrangements, la production, les textures. A Merilahti, les mots, la simplicité, le côté pop. « C’est son côté suédois, Abba, tout ça, taquine Dan Lévy. Ton grand-père s’appelait bien Mattsson! » « C’est vrai, mais quand la Finlande a acquis son indépendance, on est devenus Merilahti. Pffff, c’est malin, ça. C’est la première fois que je le raconte. Bah tant pis, c’est pas grave, peut-être qu’on aura plus de succès maintenant. » (rires)

Groupe autarcique, The Do a quasi tout enregistré dans son studio en Normandie. Le duo a fait de cet isolement un élément clé de son identité. Tout juste ont-ils laissé à Fabrice Dupont –« un cousin, on se connaît depuis plus de 25 ans », explique Dan Lévy- le soin de mixer l’album. L’opération s’est déroulée chez lui, dans ses installations à New York. D’où peut-être aussi des vagues échos d’un groupe comme Blondie, perceptibles ci et là? Les deux se regardent, rigolent. « En fait, l’autre jour, raconte la chanteuse, on a joué dans une émission de France 5. Parmi les autres invités, il y avait Benicio Del Toro. Quand on est revenus s’asseoir à table à côté de lui, il nous a dit qu’on lui rappelait Blondie! C’était la première fois qu’on nous le disait. Donc pourquoi pas? »

Un autre titre renvoie aux Sparks, le duo américain excentrique. « S’il y a effectivement un lien, c’est moins pour la musique, que l’on n’a découverte que récemment, explique encore Merilahti, que pour la manière dont ils se mettent en scène, en jouant sur l’adversité mais aussi la complicité, toujours avec beaucoup de facétie. » Comme sur la pochette de Shake Shook Shaken, où Olivia et Dan sont attachés par des menottes, condamnés à concilier leurs visions musicales. Complices aussi d’un parcours musical où le chaos fait partie intégrante du processus. « Chaos is my second home », chante par exemple Olivia sur Trustful Hands, tandis que le disque se termine sur Omen, instrumental orageux. Dan: « L’idée était de brouiller les pistes après un album très structuré, quadrillé comme un plan américain. Comme on parle beaucoup de chaos sur l’album, c’était une manière d’essayer, de voir ce que cela peut donner. Pour moi, ce n’est pas négatif. C’est au contraire le moment où tout est possible. C’est le commencement. »

Reste une question: fait-on toujours la musique que l’on a en tête? On ramène notamment à la surface une ancienne interview dans laquelle Dan Lévy expliquait « avoir eu le courage de faire un disque qui parfois est un peu loin de nous », parlant du deuxième album. Est-ce encore le cas avec Shake Shook Shaken? « Je crois avoir changé. Au départ, je suis quand même très loin du format chanson. Quand on enregistrait un morceau, je ne peux pas dire que c’était la musique que j’avais envie d’écouter. Je sais que cela peut paraître choquant. Mais c’est la réalité: je n’écoutais pas de chansons -mon rêve, depuis que j’ai 16 ans, est d’écrire une symphonie. Cela dit, petit à petit, j’ai appris à apprécier la chanson, à comprendre qu’elle pouvait être un concentré d’émotions très puissant, qui peut autant changer la vie des gens. Aujourd’hui, je me reconnais davantage dans la musique que l’on fait. » Comme quoi, la formule The Do commence peut-être seulement à tourner à plein régime…

THE DO, SHAKE SHOOK SHAKEN, DISTRIBUÉ PAR CINQ7/PIAS.

EN CONCERT CE 14/12 (COMPLET) AU BOTA, À BRUXELLES. THE DO EST ÉGALEMENT ANNONCÉ AUX PROCHAINES NUITS BOTA, LE 15/05.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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