Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

QUALITé TOTALE – Un dixième album pour une des formations les plus importantes de l’histoire du rap, toujours aussi passionnée. Une statue pour les Roots?

« Rising Down »

Distribué par Def Jam/Universal.Il faudrait faire gaffe à ne pas banaliser ce qui reste un tour de force. Depuis leur premier album, début des années 90, les Roots ont invariablement sorti de bons, voire de très bons disques. Loin des clichés hip-hop traditionnels, la formation de Philadelphie a toujours tracé sa voie. Notamment en étant parmi les premiers à s’appuyer majoritairement sur de vrais instruments, et pas seulement sur un micro et deux platines. L’excellence pourrait-elle lasser? Non, mais on sait tous comment ça se passe: l’herbe paraît plus verte ailleurs, on fait des infidélités, on perd le fil. Il faut donc le répéter: les Roots restent non pas une valeur sûre – trop notarial -, mais bien, excusez le dérapage, un putain de bon groupe. Avec ce désavantage: trop hip-hop pour le grand public, pas assez pour le milieu, les Roots ne bénéficient pas du statut correspondant à leur importance réelle.

Le préambule est long, mais peut-être pas inutile pour décortiquer le 10e album du groupe, Rising Down, et ses quinze nouveaux morceaux (de 128 à 142, pour reprendre la numérotation typique des disques des Roots). Un constat: ça part mal. The Pow Wow est un extrait d’une conversation téléphonique houleuse, datée de 94, entre les leaders Black Thought, ?uestlove et leur ancien manager. Il y a de l’orage dans l’air. Rising Down enchaîne et confirme, avec Mos Def en invité de marque: « Tout est à vendre, même les âmes. »

UP AND DOWN

C’est clair: les Roots ont décidé de placer leurs nouveaux morceaux sous une chape de plomb. Pour ce faire, exit les notes chaudes du clavier Fender Rhodes, marque de reconnaissance du groupe. A la place, Kamal Gray a tripoté des synthés pour trouver une couleur plus électrique, un son qui grésille et qui grince. Le trip parano de Get Busy, par exemple, est parfait: la frappe cubique magistrale de ?uestlove, le bourdonnement du clavier, avec, cerise sur le gâteau amer, le rap pile poil dans le mille de Peedi Peedi (déjà entendu sur le précédent Game Theory). On en redemande. Un peu plus loin, sur Singing Man, chaque rappeur campe un personnage différent: un enfant-soldat de Sierra Leone, un kamikaze, et un étudiant qui a planifié une tuerie dans son collège. Ambiance. Rising Down aurait pu s’arrêter là. Sur la fin, il reprend cependant une tournure plus lumineuse et positive. Le toujours impeccable Common fait The Show, titre qui s’enchaîne avec Rising… Up. La boucle est bouclée, et à défaut de bien se terminer, l’histoire laisse au moins un peu de place à l’espoir. Il y a quelques mois d’ici, encore occupé à bosser sur Rising Down, ?uestlove expliquait sur l’antenne de MTV: « Je veux être le premier artiste rap à réaliser un bon dixième album, c’est mon but. » Pari gagné.

u www.myspace.com/theroots

LAURENT HOEBRECHTS

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