Distribuées par Universal.
La dernière giclée des rééditions stoniennes – remastérisées mais toujours sans bonus – concerne 5 albums: du calamiteux Dirty Work de 1986 au très digne A Bigger Bang paru en 2005. Inégaux, parfois feignasses, ils recèlent malgré tout des restes de grandeur. Dirty Work (), sorti au printemps 1986, est peut-être le plus médiocre album de toute la carrière des Stones. Si la reprise du vieux standard Harlem Shuffle peut faire un – court – moment illusion, l’album est aussi criard que sa pochette saturée de couleurs. Les dissensions entre Jagger et Richards paralysent le processus de composition, la paire défaite n’accouchant que de chansons mal chantées, mal fagotées. Charlie Watts, fidèle soldat stonien, est tellement fissuré par sa consommation d’alcool et d’héroïne qu’il est remplacé par des batteurs de session sur plusieurs titres… Lorsque paraît Steel Wheels () à l’été 1989, les Stones en chef ont résolu leur midlife crisis et rapatrient leurs capacités sous un sigle commun. Produit par l’anglais Chris Kimsey – ingé son sur le séminal Sticky Fingers de 1971 -, le disque de 12 plages retrouve un beau son craquant, épanoui en harmonies fraternelles ( Mixed Emotions) ou libéré sur des cavalcades de guitares crues ( Hold On To Your Hat, Rock And A Hard Place). Un détour par la musique marocaine traditionnelle donne l’orientalisant Continental Drift. Et quand Jagger s’embarque dans une enième ballade country ( Blinded By Love), on ferait même semblant de croire à l’éternité de l’amour.
Retour aux sources
Premier album sans Bill Wyman, Voodoo Lounge (), sorti en juillet 1994, convoque le retour du blues (jamais vraiment parti) dans un Love Is Strong d’ouverture, symptomatique d’un disque plus offensif que le précédent. Plus monomaniaque également dans son désir de retrouver un son Stones classique façon fin des sixties. Produits roots par Don Was, les 15 titres n’échappent pas au Keith chantant, comme sur The Worst qui porte mal son nom… Au début de l’automne 1997, la sortie de Bridges To Babylon () est le résultat d’un autre compromis artistique entre la ligne tradi-stonienne de Richards, et Jagger, avide d’air frais. Ce dernier convoque The Dust Brothers – remarqués chez Beck – qui n’interviennent finalement que sur 3 plages. Seul Might As Well Get Juiced porte véritablement leur empreinte déstructurée, vaguement slacker, alors que Saint Of Me – hit mineur en Angleterre – bat le rappel du vétéran Billy Preston à l’orgue sur une chanson qui parle de la conversion chrétienne. Le dernier album studio de nos pèlerins, le 22e, A Bigger Bang (), arrive pimpant en septembre 2005. Il rassemble le c£ur des Stones qui, cette fois-ci, ne s’entourent pas d’une nuée d’autres musiciens. Les chansons sont comme la troupe: unies et ramassées, compactes, sans épanchement ou bavardage inutiles, touchantes. A nouveau produit par Don Was et The Glimmer Twins (Jagger-Richard), le disque rappelle le groove funky de Some Girl, leur classique de 1978. Avec de tels moments forts ( Rain Fall Down, Biggest Mistake, Street Of Love), les Stones sexagénaires ont encore du jus dans une machine, pas forcément increvable, mais fièrement humaine…
Philippe Cornet
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