In Bruges a été tourné pratiquement intégralement dans la cité flandrienne. Explications du réalisateur, Martin McDonagh, et de Colin Farrell.

Prisée des cinéastes belges, du Delvaux de L’homme au crâne raséau Kümel de Malpertuis (lequel y amena Orson Welles au tournant des années 70), Bruges n’avait guère, à ce jour, attiré de productions internationales. Tout au plus si, à la fin des années 50, Fred Zinnemann plantait le décor The Nun’s Story ( Au risque de se perdre) avec Audrey Hepburn, dans l’un des couvents de la ville. Rien, toutefois, à la mesure de la splendeur de la cité.

Aussi le tournage et la sortie de In Bruges font-ils aujourd’hui figure de petit événement. Polar à fort accent irlandais – du réalisateur, Martin McDonagh, à ses deux stars principales, Colin Farrell et Brendan Gleeson -, le film ne se borne pas à exploiter une situation exceptionnelle, il fait de Bruges un personnage à part entière, en dépit de ses apparences de  » shithole« , si l’on en croit l’un des leitmotiv du dialogue.

IN BRUGES IN LONDON

La production craignait-elle d’égarer les journalistes? C’est… in London que se fait la promotion du film, pour une renconre conjointe avec McDonagh et Farrell, duo s’entendant comme larrons en foire…  » Je m’étais rendu à Bruges pour deux jours il y a quatre ans sans rien connaître de la ville, et j’ai été stupéfait de découvrir un endroit à ce point magnifique, digne d’un conte de fées…« , avance Martin McDonagh.  » J’ai consacré le premier jour à visiter les innombrables musées et églises, mais au milieu de la seconde journée, cela a commencé à m’ennuyer. J’avais envie de boire un coup, de voir des filles. Et ces deux voix distinctes se sont mises à cohabiter en moi. De fil en aiguille, l’idée du film a vu le jour. Je suis rentré chez moi, à Londres, et à l’aide d’un petit guide de voyage, j’ai disposé chaque scène dans un lieu spécifique. »

Le canevas ainsi mis en place et l’équipe composée, restait à relever le défi d’un tournage dans une ville tenant du musée en plein air, avec les contraintes que cela suppose.  » Tout fut étonnamment simple, explique encore McDonagh. La Ville et l’Office du tourisme nous ont apporté un soutien considérable: nous avions répertorié dans le scénario 30 ou 40 endroits bien précis de Bruges, beffroi, rues, places, églises,… et nous avons pu tourner dans chacun d’entre eux, à l’exception d’une église. La Ville, les pompiers nous ont aidés, et beaucoup de figurants étaient Brugeois. Nous tournions dans des rues empruntées par beaucoup de monde, mais dès que nous demandions le silence, c’était le calme intégral. »  » J’ai vraiment apprécié. Il n’y avait pas cette frénésie que l’on trouve parfois quand on tourne en décors naturels, tout était délicieusement décontracté« , intervient Colin Farrell.

A en croire l’acteur, In Bruges ouvre, dans la foulée de son rôle dans le Cassandra’s Dream de Woody Allen, un nouveau cycle de son parcours.  » Sept ans se sont écoulés entre Tigerland de Joël Schumacher – le film qui, après Ordinary Decent Criminal , consacrait sa reconnaissance internationale – et Miami Vice , et le moment semblait bien choisi pour prendre un peu de recul. J’avais brûlé la chandelle par les deux bouts pendant trop longtemps, en dépit de nombreux avertissements, et j’étais vidé. Si j’y pense rétrospectivement, cela ressemble vraiment à l’un de ces cycles de sept ans dont parlent souvent les gens…« , observe-t-il.

FARRELL PHILOSOPHE

On l’interroge alors sur la rédemption, l’un des thèmes brassés par In Bruges.  » On ne peut surmonter les erreurs passées qu’en en faisant l’inventaire. Si on ne soupèse pas ces choses à un moment ou l’autre, elles finissent inévitablement par réapparaître, comme une métastase, et vous rattraper. Mais je ne rumine pas la honte et la culpabilité, je ne suis plus un catholique pratiquant. » Considération prolongée par une boutade –  » J’ai cessé de l’être à 7 ans environ, après avoir voulu être enfant de choeur et avoir réalisé que l’on ne pouvait se dissimuler sur cette scène que l’on appelle un autel » -, et un constat réfléchi:  » La seule possibilité de pardon ou de rédemption dépend de sa capacité à se pardonner soi-même, et c’est là quelque chose de très difficile… »

Faudrait-il en déduire que le temps a rendu Colin Farrell philosophe? L’acteur n’acquiesce ni ne dément:  » J’ai 31 ans, un enfant, et j’ai choisi de mener une existence plus posée qu’auparavant. Les virées, au bout d’un temps, cela lasse – on n’en finit plus de se donner en spectacle devant des gens prétendument intéressés. Mais n’allez pas voir là le résultat d’un questionnement fondamental, ce n’est jamais qu’une évolution naturelle. Je n’ai jamais fait que m’en tenir à la ligne que je m’étais choisie. Depuis l’époque des cours d’art dramatique, à Dublin, j’ai toujours été en quête d’une certaine vérité, sur moi-même et sur le monde, sans égard pour les différences physiques de pays ou de continent, pas plus que de culture ou de religion… » Dût-il aller chercher cette vérité In Bruges

TEXTE JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS, à LONDRES

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