Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

L’homme qui en savait trop – Thriller politique à suspense, le nouveau Polanski allie bon divertissement et critique acerbe d’un ex-Premier ministre britannique aisément reconnaissable…

De Roman Polanski. Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Kim Cattrall. 2 h 08. Sortie: 24/03.

Si Roman Polanski compte sur The Ghost Writer pour améliorer l’opinion générale que les Américains ont de lui, ce sera sans aucun doute raté! Son film est en effet, très probablement, le divertissement grand public le plus anti-américain jamais produit par une ciné- matographie occidentale… Ceux qui ont lu le fort roman de Robert Harris(1), dont Polanski fait l’adaptation à l’écran, n’en seront pas surpris, tant le bouquin s’érige en charge directe contre la politique américaine au Moyen-Orient et l’inféodation de son allié britannique, contre le rôle joué par la CIA, aussi. Mais loin d’édulcorer le propos, le cinéaste dont la Justice américaine réclame toujours l’extradition de Suisse s’est plu à en restituer l’acidité mordante. Le héros du récit est un jeune journaliste britannique intelligent et rapide, 2 qualités qui font de lui un « nègre » (« ghost writer » en anglais) recherché. Quant il est invité à rencontrer les éditeurs d’une autobiographie à venir de l’ex-Premier ministre Adam Lang, et qu’on lui propose de reprendre et d’achever en un temps record le travail d’un premier collaborateur mystérieusement décédé, le jeune homme hésite. Mais la somme proposée est de celles qui ne se refusent que difficilement. Le « nègre » part aux Etats-Unis, où Lang séjourne dans une vaste demeure aussi luxueuse qu’isolée, située sur une île de la côte Est. Le premier contact est bon, mais très vite survient la crise, car des menaces d’inculpations pèsent sur Adam Lang, une cour pénale internationale envisageant de le poursuivre pour son implication dans l’enlèvement et la torture de suspects dans la guerre contre le terrorisme menée en collaboration avec l’allié américain. Dans un contexte encore tendu par la présence d’opposants devant la propriété, et par d’obscures luttes d’influence dans l’entourage de son interlocuteur, le journaliste va tenter de poursuivre son travail… et découvrir des vérités qui mettront sa propre existence en danger…

Fantômes du passé

Ewan McGregor offre son charme et son sens de la dérision au personnage du « nègre », dans un film qui exige peut-être un peu trop de ce jeune comédien doué, mais moins à l’aise dans le registre sérieux que dans la légèreté. Pierce Brosnan (voir notre entretien en page 20) campe avec plus d’autorité le politicien que sa retraite n’empêche pas d’être rattrapé par un encombrant passé. Mais ce sont les rôles féminins qui sont les mieux tenus, Kim Cattrall excellente en assistante glaciale mais dévouée, et Olivia Williams en épouse (de Lang) dont l’importance ne cesse d’augmenter à mesure que se tisse inextricablement la toile d’araignée où son mari pourrait perdre sa liberté, et un jeune journaliste la vie. Derrière la caméra, Roman Polanski retrouve avec bonheur le genre du thriller parano. Avec plus de contenu mais moins de rythme que dans Frantic, avec plus d’humour mais moins d’intensité que dans ses films de la période des années 60 et 70, dont il n’a jamais plus par la suite retrouvé l’inspiration superbe. Procès par la bande d’un Tony Blair encore récemment inquiété par une commission d’enquête sur le déclenchement de la seconde guerre d’Irak, The Ghost Writer reste avant toute chose un très bon film de genre, s’achevant sur un point d’orgue d’une terrifiante ironie.

(1) L’Homme de l’ombre, paru en français chez Plon.

Louis Danvers

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