C’est samedi prochain qu’aura lieu I Love Techno, la traditionnelle grand-messe électronique gantoise. Au programme notamment, l’incontournable Boys Noize. Présentation au moment où sort son second album, Power.
C’est assurément l’une des têtes d’affiche, sinon la principale, de la prochaine édition du festival I Love Techno. Comme à chaque fois, le rendez-vous ne manque pas de grosses cartouches. Tiga, Laurent Garnier, Carl Craig, Simian Mobile Disco, Vitalic, Paul Kalkbrenner… Que du lourd. Avec Boys Noize pour couronner le tout, fort d’une quatrième participation consécutive au grand raout techno gantois. Ce n’est pas volé: Boys Noize, alias Alexander Ridha (1983, Hambourg), est l’un des personnages les plus emblématiques de la scène électronique actuelle. Mais aussi l’un des plus singuliers. En tout cas, bien moins facile à caser qu’on ne se l’imagine.
Allemand, il aurait pu ainsi rejoindre l’école minimale sous laquelle plie toujours largement la scène locale. Fausse route: Boys Noize fait plutôt le bonheur des kids à casquette fans de Justice que des tenants austères de la ligne claire et répétitive. Le bonhomme serait donc encore un de ces rangés du rock qui a finalement préféré fracasser les beats plutôt que les guitares? Pas davantage: Alexander Ridha n’est jamais vraiment passé par la case pop, tombé dans la marmite électronique depuis tout petit. « J’avais 16 ans, quand j’ai commencé vraiment sérieusement à donner mes premiers sets DJ. Tout mon argent passait dans les disques, le matériel… A l’époque, je travaillais chez un disquaire, qui m’a permis d’avoir mes premières opportunités. Pendant 5 ans, j’ai dû faire tous les clubs d’Allemagne, plusieurs fois. Mes parents m’ont toujours laissé plus ou moins faire. C’est l’avantage d’avoir un grand frère plus âgé de 10 ans, et qui a ouvert pas mal de barrières. Il faisait toutes les conneries, donc mes parents étaient relativement cool avec moi. C’est dans sa chambre aussi que j’ai entendu les premiers titres house, les trucs de Chicago qui avaient souvent une production pourrie mais des chouettes boucles… «
Aujourd’hui, la musique de Boys Noize est bien loin de tout ça. Difficile d’ailleurs de lui donner une définition définitive. « Comme une version hardcore de Kraftwerk ou quelque chose comme ça », rigole-t-il pour évacuer rapidement la question . « C’est vrai que j’ai une position un peu à part, surtout chez moi, en Allemagne. La presse ne comprend pas toujours très bien. Mais tant mieux. Au départ, c’était aussi un moteur: proposer quelque chose de différent, et ne pas être un gars de plus qui fait de la minimale ou de la deep house… » Confirmation avec son récent second album, intitulé Power. Bien sûr, sa techno ne tourne pas autour du pot, bastonne et crisse. Mais Boys Noize arrive à tordre assez ses machines que pour glisser le doute dans leurs circuits. Fluo et dark à la fois. « Je pense que les machines ont quelque chose d’humain à la base. Une drum machine, c’est comme un piano. Cela reste un instrument analogique, qui produit son propre son. Le seul vrai combat avec la technologie, c’est de ne pas en faire trop. Je suis convaincu que c’est en se contentant d’un matériel limité qu’on est le plus créatif. Bon, le fait est que j’en ai quand même encore pas mal (rires). Heureusement, mes oreilles sont là pour me dire quand m’arrêter. «
En faire le plus avec le moins. On ne s’attendait pas forcément à ce genre de philosophie de la part du bonhomme. « Mais j’aime ça! Je dirais même que d’une certaine manière Oi Oi Oi, mon premier album, est minimal. Pour moi, la musique minimale ne veut pas dire « musique calme », mais une musique réduite à quelques éléments. Et laisser ses éléments parler pour eux-mêmes. C’est la même chose pour cet album-ci. Un morceau comme Trooper, par exemple, ne tient que sur 4, 5 paramètres qui suffisent à raconter toute l’histoire. Il n’y a pas besoin de plus. C’est pour cela que j’aime la minimale. Même si aujourd’hui, il y en a trop. »
Cahier des charges
Les DJ ont rarement sorti de vrais albums. Power ne fait pas exception, dans le sens où il est davantage une collection de titres, sans forcément de liens entre eux. « La seule chose, c’est qu’en pondant le titre Gax , je me suis dit qu’il serait idéal pour ouvrir l’album. Du coup, il me fallait un titre qui puisse le clôturer. » Ce sera Heart Attack, composé il y a… 5 ans. Au-delà, pourquoi chercher midi à quatorze heures? Puisque de toute façon, le format album semble avoir bel et bien vécu, a fortiori en musique électronique. « On peut le voir de 2 manières. D’un côté, je ne crois en effet plus dans le concept d’album. Cela ne marche plus parce que les gamins ne vont plus que sur Internet. Et quand ils paient, ils paient à la chanson. Je fais pareil! D’un autre côté, si vous sortez un album, après une série de maxis par exemple, cela a encore un sens pour la presse qui fonctionne toujours de manière traditionnelle. Or si vous avez de la presse, vous recueillez plus d’attention des promoteurs. Donc de ce point de vue, cela marche encore. Mais au-delà, il faut bien se dire que plus personne n’achète d’album. »
A ses débuts, la techno était la musique du futur. Maintenant qu’on y est, elle n’est souvent plus que la bande-son sardonique et hédoniste du moment. En cela, Power illustre bien son époque. Notamment parce qu’il propose une techno cogneuse, terre à terre, qui n’a pas d’autres ambitions que de faire danser ou vriller la tête. Alexander Ridha confirme: « Comme avec Oi Oi Oi , le but de Power est d’abord de faire un disque pour les clubs. J’aurais pu par exemple demander à d’autres gens de venir faire des voix. Mais cela aurait été plus compliqué de jouer le morceau en soirée. J’aime la pop. Mais je ne pense pas que cela rentre dans le cahier des charges de Boys Noize… » Avant de conclure, rigolard: » J’imagine que c’est même la seule chose que je peux dire de certain sur Boys Noize: tout sauf une approche pop… »
Boys Noize, Power (), distribué par NEWS.
Rencontre Laurent Hoebrechts
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