That’s… old folk
ANCIENNE ASSISTANTE D’ALAN LOMAX, L’ANGLAISE SHIRLEY COLLINS REVIENT APRÈS 38 D’ABSENCE AVEC UN JOLI DISQUE FOLK QUI TRAVERSE LES SIÈCLES.
Shirley Collins
« Lodestar »
DISTRIBUÉ PAR DOMINO.
7
Son parcours mouvementé et son timbre de voix si particulier rappellent Vashti Bunyan. A l’époque (au début des années 70), anéantie par son échec commercial, la chanteuse britannique découverte par le manager des Rolling Stones Andrew Loog Oldham, avait abandonné la musique pour s’en aller fonder foyer à la campagne. Mener une vie de paysanne hippie. Et se fondre dans un anonymat qu’elle ne quitterait que 35 ans plus tard adoubée par Devendra Banhart et Animal Collective.
Les figures tutélaires, la carrière avortée, puis l’improbable retour soutenu par une nouvelle génération amourachée… La vie de Shirley Collins a le même genre de casting et de ressorts scénaristiques que celle de la douce marraine du freak folk. Née à Hastings, dans le Sussex, le 5 juillet 1935, Shirley Elizabeth Collins grandit dans une famille mélomane. Papa est livreur de lait. Maman bosse dans des bus et des usines. Il n’y a pas grand-chose à faire à la maison. Alors chez les Collins, on chante. De préférence de vieilles chansons traditionnelles. En 1954, Shirley fait à Londres la connaissance du musicologue Alan Lomax qui fuit en Angleterre la chasse aux sorcières McCarthienne. Ils vivent et voyagent ensemble. Elle devient même son assistante et racontera dans un livre (America Over the Water, 2005) ces enregistrements dans des communautés religieuses, des prisons et des camps de travail redécouverts grâce au film des frères Coen: O Brother, Where Art Thou? En marge de ces grandes aventures, Collins enregistre ses deux premiers albums en 1958 et s’y accompagne au banjo avant de devenir dans les années 60 l’une des voix, audacieuse, d’un folk qu’elle aime « traditionnel ». Ce folk, Collins le mène sur des chemins de traverse. Elle signe son disque le plus célèbre, Folk Roots, New Routes, avec le guitariste à tête chercheuse Davy Graham quand elle n’enregistre pas des albums avec sa soeur Dolly au piano comme cet Anthems in Eden où elle raconte l’Angleterre rurale après la Première Guerre mondiale.
Du troubadour au cowboy…
En 1978, son mariage avec Ashley Hutchings de Fairport Convention bat de l’aile. L’actrice qui lui a piqué son mari assiste à des représentations de Lark Rise auxquelles Collins participe. Des premières loges et dans des pulls d’Hutchings. Shirley en perd la voix. Elle souffre de troubles de la parole (dysphonie) et disparaît de la circulation. Elle travaille au magasin du British Museum et tient un établissement Oxfam à Brighton (liste non exhaustive) jusqu’à ce qu’un fan, David Tibet, la réquisitionne début des nineties pour apporter sa touche à quelques disques de Current 93. Malgré les craintes et les doutes, il parviendra même à la faire remonter sur scène (c’était il y a deux ans).
Si une triple compilation, Shirley Inspired… , sur laquelle figurent notamment Graham Coxon et Angel Olsen, est sortie en 2015 pour commencer à financer un documentaire qui racontera son histoire, Lodestar est le premier album de Collins depuis 38 ans. Un recueil de chants anglais, américains et cajuns piochés entre le XVIe siècle et le milieu du XXe. On cherche parfois où sont les troubadours quand on ne se demande pas où se cachent les cowboys. Un disque de folk bercé par des chants d’oiseau qui voyage dans le temps (ancien) et traverse les époques.
JULIEN BROQUET
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