Comment un objet télévisuel de l’enfance est-il revu par la vision adulte, 40 plus tard? Exemple avec Les galapiats, série culte d’aventures belgo-françaises de 1969 qui ressort en DVD.
Comme des millions de teenagers francophones des années 60-70, on a adoré Les galapiats dont les 8 épisodes de 30 minutes passent à la télévision publique belge à partir de décembre 1969 et à l’ORTF au printemps suivant. Ados fiévreux, intrigues amoureuses et policières – à la recherche d’un Trésor des Templiers –, courses et poursuites contre de méchants trafiquants anglais, ce feuilleton a le grain et la naïveté des BD d’époque. D’ailleurs, on est encore dans la préhistoire télévisuelle: tournée en couleurs, la série est initialement diffusée en noir et blanc sur les écrans 4/3 de la RTB qui ne décroche son F qu’en 1977. Pudding francophone, le feuilleton caste un réalisateur et des premiers rôles français, d’autres apparitions secondaires sont confiées aux Belges. Mais notre beau pays est à l’honneur via ses décors naturels qui servent de tournage à la saga galapiats: ses Ardennes verdoyantes, son Malmédy des Blancs Moussis, son Bouillon sans cube, son Villers-la-Ville en ruines mystérieuses. Et last but not least, son exotique collection d’accents. Willy Santeriou (…), le chef du camp des ados embarqués dans l’intrigue, joue comme une savate ardennaise, avec un accent mi-bruxellois, mi-hennuyer, un vrai fantasme de DJ linguistique. Pour le reste, les frenchies dominent largement l’affaire. 7 ados et autant de prototypes hexagonaux; et ce, même si la prénommée Marion – seule fille d’une affaire essentiellement mâle – est supposée québécoise alors qu’elle parle le parisien XVIe. Elle est donc amoureuse de Jean-Loup – fils rêvé de Carla Bruni – qui bcbgise à mort avec son p’tit foulard Neuilly porté en toute occasion, chou comme tout. Parmi les gentilles invraisemblances du scénario: Jean-Loup et Marion, 15 ans, se vouvoient comme chez les Chirac (…) et le chef de bande, Cow-Boy, prétend que l’une de ses spécialités culinaires est le waterzooi… Comme on le sait, très pratique à bidouiller lors des feux de camps.
Tête d’épingles
La musique signée par un certain Roger Mores (…) est pimpante, garantie d’époque, avec les cuivres qui font leur shopping dans Shaft version Baraque Fraiture. Quand ils ne parodient pas Audiard, les dialogues font dans la philosophie Sarma-Nopri, genre » On peut pas faire confiance aux adultes » ou, plus fort, » Les femmes ont une tête, les épingles aussi »… Tout cela est tellement charmant qu’on n’hésite pas à mettre la série au banc d’essai de la nouvelle génération, les 8-10 ans. Passé un premier moment d’incrédulité sur la qualité de l’image assez crapuleuse, visiblement non restaurée – C’est quoi toutes ces taches? » dit le gamin-testeur -, notre public témoin se met à suivre fiévreusement les aventures ardennaises de Jean-Loup, Cow-Boy, Lustucru, et autre Byloke. Ce dernier, Jean-Louis Blum, a d’ailleurs connu une ébouriffante carrière de magicien après une apparition décisive dans une autre grandiose série, Les sous-doués. C’est dire. Prochaine chronique: les Poppys.
u Coffret double DVD, Les galapiats – Le trésor du Château sans nom, distribué par Twin Pics.
LA CHRONIQUE DE PHILIPPE CORNET
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