Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

âmes soeurs – A sa manière, le cinquième album des jumelles canadiennes est un ovni. Pop et opaque à la fois, il trace sa route à plusieurs voix.

« The Con »

Distribué par Sire/ Warner.

Il paraît que les s£urs n’oublient jamais ce qui s’est déroulé entre elles quand elles avaient cinq ans. Que s’est-il donc passé entre Tegan et Sara Quin, nées jumelles avec les années 80, du côté de Calgary, Canada? Pas de réponse. Dommage, car on aurait peut-être trouvé certaines clés de leur musique. Il est toujours frustrant d’être face à un objet pop, qui a toutes les apparences de la simplicité, et tourner autour sans jamais arriver à le saisir complètement. C’est le cas d’un disque comme The Con, cinquième album des Canadiennes. Le précédent, So Jealous, avait titillé jusqu’aux White Stripes, qui en reprendront le morceau Walking With a Ghost. Le duo était encore sous forte perfusion de guitares. C’est moins le cas ici, et ça ne fait que renforcer l’étrangeté (et les réminiscences new wave, années 80, façon Go-Go’s) de la musique de Tegan and Sara.

Pour The Con, les deux s£urs ont donc apporté leurs démos à Chris Walla (Death Cab For Cutie), avec mission de s’en éloigner… le moins possible. Rencontrées avant leur récent concert – complet – au Botanique, à Bruxelles, Tegan explique par exemple: « Pas mal de gens écrivent des chansons, les jouent encore et encore et puis seulement les enregistrent. Nous, on préfère enregistrer au plus près du moment d’écriture. La démo a une énergie qui est impossible à recréer. Quand je chante les mots pour la première fois, c’est un moment unique. Tout le reste après, c’est comme du karaoké. Les voix d’un morceau comme « I was married » par exemple, c’est un premier jet. Pourquoi le refaire, et essayer de le rendre meilleur ou plus propre? C’est tellement spécial.. . Aujourd’hui tout est souvent trop parfait dans les disques. Chez nous, c’est le bordel. Et c’est ce qui rend peut-être notre musique authentique. »

La relation entre les deux s£urs joue évidemment également un rôle. « Quand on est juste à deux, par exemple, c’est très facile de se sentir à nouveau comme des gamines. Ne serait-ce qu’à cause des souvenirs que je peux partager avec Sara. C’est un peu comme si on était nées pour être la documentariste de la vie de l’autre! »

Mais ce qui façonne peut-être le plus l’univers pop indie de deux s£urs, ce sont bien les voix. Un peu nasillardes, pas toujours « agréables », mais aussi intriguantes. Même sur un titre limpide comme Back In Your Head, elles se croisent, s’entremêlent, se superposent pour créer un tissu vocal qui séduit autant qu’il tient à distance. Sara: « A 18 ans, on a rencontré cette femme de la compagnie de disques qui nous a dit: « Quand vous êtes en studio, vous faites un disque. Soit quelque chose de complètement différent du live. » C’est devenu une de nos lignes de conduite. La scène est un exercice à part. En concert, c’est nous deux et le groupe: c’est très riche, très plein. Sur disque, par contre, tout est condensé. Cela devient alors important de créer cette atmosphère un peu luxuriante. C’est vrai que nos voix sont très similaires et en même temps légèrement différentes. Cela offre cette possibilité, quand on les superpose, de créer cette couche un peu bizarre… Même quand on chante la même note, il y a un décalage qui amène le morceau ailleurs. » Cela n’a l’air de rien, mais du coup, ce qui pourrait n’être qu’un album de plus se transforme en énigme. Un labyrinthe dans lequel on aime venir régulièrement se perdre.

www.myspace.com/teganandsara

LAURENT HOEBRECHTS

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