Technologie rebelle

Jean-Pierre Jeunet met en scène une comédie dystopique rétrofuturiste où les robots prennent le pouvoir. Un concentré de son univers.

Consacrant son retour neuf ans après The Young and Prodigious T.S. Spivet, BigBug a vu Jean-Pierre Jeunet céder, comme beaucoup d’autres avant lui, aux sirènes des plateformes -Netflix en l’occurrence. Un choix posé sans états d’âme particuliers, comme le réalisateur français nous l’expliquait à l’occasion du dernier festival de Cannes, où l’on célébrait les 20 ans d’ Amélie Poulain. « Chaque fois que l’on sort des sentiers battus, c’est compliqué. C’était déjà vrai à l’époque de Delicatessen, et c’est pareil pour BigBug. À l’époque du premier, je pouvais comprendre, mais maintenant, ça m’énerve: j’ai fait huit films, et on ne peut toujours pas me faire confiance? J’ai passé trois ans à chercher de l’argent pour BigBug , en pure perte. Netflix m’a dit oui en 24 heures, et donc je l’ai fait avec de bons moyens et une liberté totale pour eux, comme si c’était un film de cinéma. » Dont acte.

BigBug se situe dans un futur proche, alors que l’intelligence artificielle a radicalement transformé le mode de vie des humains, dont les machines assurent le confort. Contexte dans lequel les Yonyx, des droïdes agressifs de la dernière génération, décident de prendre le pouvoir, une famille banlieusarde élargie se voyant, dans la foulée, prise en otage par ses robots domestiques, histoire de les protéger de la folie s’étant emparée du monde extérieur. Sauf que, entre Alice (Elsa Zylberstein), son prétendant bien lourd (Stéphane De Groodt), son ex Victor (Youssef Hajdi) et sa compagne Jennifer (Claire Chust), la voisine (Isabelle Nanty) rejointe par son robot sexuel, et encore deux ados, la cohabitation s’annonce chaotique. A fortiori dès lors que les motivations des robots apparaissent quelque peu incertaines…

Technologie rebelle

Du Café des 2 moulins à Montmartre à la villa rétrofuturiste de BigBug, il n’y a somme toute qu’un pas, l’un comme l’autre tenant lieu de maison de poupées où Jean-Pierre Jeunet déploie son univers et ses obsessions. Celles d’un miniaturiste, dont le sens du détail n’est plus à souligner, au service d’une imagination qu’il a foisonnante -voir notamment le design des robots, Einstein en particulier. Mais si le concept de BigBug est assurément séduisant, que prolonge une esthétique vintage d’un fort bel effet, empruntant encore à Tim Burton période Mars Attacks!, tout en affichant un côté bricolo rappelant, par endroits, le cinéma d’un Albert Dupontel (qui a droit à son caméo), la fantaisie dévoile vite ses limites, Jeunet ne faisant qu’effleurer le potentiel de son sujet. Et s’en tenant, pour l’essentiel, à une comédie débridée portée par un souffle gentiment allumé, histoire de désamorcer les clichés. Le tout ramassé en kit, le côté le plus visionnaire de BigBug tenant peut-être à sa qualité de film de confinement…

Bigbug

De Jean-Pierre Jeunet. Avec Elsa Zylberstein, Stéphane De Groodt, Youssef Hajdi. 1 h 51. Disponible sur Netflix.

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