Talents transfrontaliers

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Ce recueil d’entretiens dirigé par Louis Héliot souligne l’incroyable richesse du vivier de talents du Plat Pays.

Depuis de nombreuses années, force est de constater que certains des talents les plus prestigieux du cinéma belge trouvent refuge en France quand il s’agit de déployer leur carrière. Ils et elles contribuent au dynamisme du cinéma français, à tous les niveaux de la chaîne de création, que ce soit devant ou derrière la caméra. Au fil d’entretiens qui prennent le temps d’explorer le parcours et la pratique d’une dizaine de professionnels du cinéma, on découvre la spécificité et la complexité de leurs métiers, la singularité de leur ancrage, la source de leur créativité.

Émilie Dequenne y remonte le cours de sa filmographie, de Rosetta à Lucas Belvaux, en passant par Joachim Lafosse. Des Dardenne, elle livre en passant une remarquable définition de leur approche, vantant la façon dont ils “permettent au comédien et à son corps de se rapprocher le plus possible de l’animalité, de l’instinct primaire du personnage, de ce naturalisme, ils font appel à un jeu instinctif. Il y a une façon de rendre le jeu primaire, une sorte de non-jeu et d’incarnation par la répétition: on ne cherche pas à intellectualiser quoi que ce soit. Il n’y a jamais de sous-titres avec les Dardenne.

Les opportunités de travail sont l’une des raisons premières de “l’exil” des talents, même si pour beaucoup, et notamment les cinéastes, la Belgique reste le point d’ancrage, et la France, une chance de coproduction. La Belgique, Fabrice du Welz y revient toujours: “Tous les cinéastes dignes de ce nom ont un décor, qu’ils visitent encore et encore. Moi, c’est les Ardennes.” Joachim Lafosse, lui, a sa propre définition du cinéma belge, en saluant la pluralité: “Il y a autant de films belges que de cinéastes belges, c’est ça le cinéma belge. Si on pouvait souhaiter la même chose au cinéma français, ce serait magnifique.” De son côté, la scripte Véronique Heuchenne met en lumière un fait souvent évoqué: “En Belgique, c’est une manière sans doute plus collective d’aborder le cinéma. (…) À la base, le système est plus horizontal en Belgique, c’est-à-dire que s’il y a un problème sur le plateau, tout le monde va essayer d’aider, tandis qu’en France les rôles sont beaucoup plus définis.

Émilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret.
Émilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret. © National

En guise de cerise sur le gâteau, le livre offre un entretien rare et passionnant avec la grande chef costumière Pascaline Chavanne (collaboratrice notamment de François Ozon, couronnée de deux César et un Magritte), qui permet de plonger au cœur de son art et sa pratique, grâce à sa passion, et son talent du récit, et qui insiste sur le fait que le cinéma, c’est aussi l’art du détail: “Nos métiers ne sont qu’une succession de petits détails et (…) au final, c’est ce qui va rester à l’écran, cette succession de petits détails”. Une plongée riche et diversifiée au cœur de cet art et cet artisanat qu’est le cinéma.

Ces Belges qui font le cinéma français

Sous la direction de Louis Héliot, éditions Les Impressions Nouvelles, 296 pages.

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