Etoiles filantes – Ang Lee promène sa caméra à Woodstock, côté champs – ou comment une petite bourgade en vint à accueillir le plus grand rassemblement hippie de tous les temps. Euphorisant…

De Ang Lee. Avec Demetri Martin, Emile Hirsch, Liev Schreiber. 2 h. Sortie: 14/10.

Du festival de Woodstock, le documentaire de Michael Wadleigh avait traduit, en son temps, l’effervescence musicale et la fièvre singulière, résumée en un slogan valant mieux que de longs discours: « Three days of peace, music and… love. » Ang Lee envisage, pour sa part, l’histoire par l’autre bout de la lorgnette, celui d’une comédie inspirée de faits réels, et s’attachant aux circonstances qui conduisirent à l’organisation du plus grand rassemblement hippie de tous les temps dans le cadre pour le moins improbable de Bethel… Nous sommes en 1969 lorsque, au sortir d’une expérience peu concluante à Greenwich Village, Elliot Tiber (Demetri Martin, impeccable) s’en revient vivre chez ses parents, tenanciers d’un motel pourri dans une bourgade perdue de l’Est de l’Etat de New York. La banqueroute guette à vrai dire, quand, apprenant qu’un bled de la région a renoncé à l’accueil d’un festival hippie, le jeune homme y devine une opportunité d’inverser le cours des choses. Et de prendre contact avec les producteurs afin d’organiser la manifestation dans la prairie de son voisin – chacun entrevoyant là la perspective de quelque bénéfice… Du jour où Michael Lang, l’organisateur, débarque de son hélicoptère, les événements se bousculent, dépassant rapidement ceux qui les ont initiés. Elliot le premier, qui se trouve bientôt à la tête d’une entreprise dont il ne prendra la pleine mesure qu’une fois les préparatifs bien avancés et la machine virtuellement inarrêtable – d’aventure quelqu’un s’était avisé d’en avoir l’intention.

Irrépressible jubilation

S’il s’agit d’un film modeste en apparence, Taking Woodstock inscrit tout en finesse le destin de son (anti-)héros dans une perspective historique, ajoutant au récit d’apprentissage à ramifications multiples le regard sur une époque dont Ang Lee parvient à recréer l’esprit dans un mélange d’énergie, d’allégresse et d’humour. Aussi ce film vibre-t-il d’une stimulante liberté, jusque dans sa mise en scène kaleidoscopique, qui multiplie les saynètes et autres digressions – à l’exclusion, toutefois, d’extraits des concerts, l’action privilégiant les coulisses de l’événement (même si la bande-son contient quelques pépites façon Love ou Jefferson Airplane). En contrepoint de quoi, et ce n’est pas l’aspect le moins drôle ni le moins pertinent de l’affaire, Ang Lee s’emploie par ailleurs à cerner le choc des cultures et des générations, mis en lumière avec une acuité porteuse d’une irrépressible jubilation.

C’est dire si, célébration d’une certaine innocence hédoniste et modèle de légèreté insouciante, Taking Wood-stock a des vertus hilarantes et même doucement euphorisantes. Non, toutefois, qu’Ang Lee y ait sacrifié sa lucidité dans l’observation du monde. L’allusion, en fin de film, au futur festival d’Altamont, qui allait sonner le glas de l’utopie hippie, vient nous signifier sans équivoque que le réalisateur n’est pas dupe: ces rêves-là n’ont duré qu’une nuit, aussi étoilée fut-elle…

Retrouvez toute l’actualité cinéma commentée par Jean-François Pluijgers, chaque mercredi à 8 h 30, sur Musiq3.

Jean-François Pluijgers

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