Pour la seconde fois, Manu Dibango attaque Michael Jackson en justice pour plagiat. De Led Zep à The Verve, le rock regorge d’emprunts plus ou moins déclarés.

Théoriquement, la décision de justice de l’affaire Manu Dibango vs Michael Jackson doit tomber ce 17 février. Trop tard pour en parler dans le Focus de la semaine (1). Fin 1982, à la sor-tie du Thriller de Jackson -album le plus vendu de tous les temps (2) – l’un des titres phares, Wanna Be Startin’ Something, présente d’éminentes ressemblances avec Soul Makossa du Camerounais Manu Dibango. Ce musicien world avant la lettre, ayant longtemps bourlingué dans les clubs de jazz d’Europe, écrit ce titre afro-groovy qui devient un tube en 1972 et entre au Top 40 US du Billboard au printemps suivant. Le chorus accrocheur de la chanson de Dibango, Mama-se, mama-sa, mama-coo-sa, se retrouve en intégrale à la fin du titre de Jackson. La similitude est indéniable. Un appel à la justice américaine lancé par Dibango aboutit à un accord à l’amiable réglé en dehors des medias et des tribunaux. Le chèque se conjugue probablement en centaines de milliers de dollars. L’affaire semble entendue. Et puis, début février 2009, on apprend que Dibango attaque une nouvelle fois Michael Jackson, et ce pour avoir cédé un sampling de Wanna Be… à Rihanna. Celle-ci l’utilise dans son Please Don’t Stop The Music, single à succès sorti le 30 mai 2007 sur l’album Good Girl Gone Bad. On peut évidemment s’étonner du temps de réaction de Dibango et penser que l’auteur supposé a tout intérêt à laisser mûrir le fruit avant de le cueillir. Vingt mois après la parution de la chanson coupable, voilà donc Dibango assi-gnant devant la justice française Jackson, Rihanna ainsi que les compagnies concernées, Sony-BMG, EMI et Warner. Montant de la réparation réclamé par Dibango & C°: 650 000 dollars. Eu égard aux standards US, la somme reste modeste. Pour Manu Dibango, le sampling de son tube reste une bonne affaire potentielle. A 75 ans, voilà quelques possibles points supplémentaires de retraite venus de l’Oncle d’Amérique.

Tanguy Roosen, juriste à la SCAM/SACD – sociétés de défense des auteurs – définit le plagiat:  » L’étymologie du mot est très clair: plagium, vol. Normalement le plagiat se déroule entre ouvrages de même genre (deux £uvres musicales). Le synonyme de plagiat est la contrefaçon. Pour voir s’il y a plagiat, le juge compare les deux £uvres. En matière musicale, il nomme le plus souvent un expert pour l’étude de la mélodie, du rythme et de l’harmonie. On regardera aussi si l’£uvre contrefaite est protégeable par le droit d’auteur. Ce qui ne sera pas le cas si la séquence musicale relève du patrimoine commun musical, comme par exemple Miles Davis reprenant la séquence musicale de Dodo l’enfant do dans le morceau Jean-Pierre. »

Led Zeppelin, champions du casse

Champions du casse musical, Led Zeppelin a longtemps joué sur la nature des chansons manifestement empruntées aux bluesmen américains, inspirant son style mais aussi son répertoire. Le mammouth anglais attribue volontiers ses titres au domaine traditionnel – alors qu’ils ne le sont pas forcément – ou oublie simplement de créditer les auteurs originels. Si la refonte par Page & C° des mythiques riffs nègres du delta dans un heavy-blues blanc moderne, constitue une évidente recréation artistique, Led Zep a aussi longtemps méprisé, voire nié, l’importance des originaux. Parmi la quinzaine de morceaux controversés, citons par exemple Bring It On Home dont la première section est une reprise non créditée de Willie Dixon, Nobody’s Fault But Mine, un même type d’emprunt non signalé à Blind Willie Johnson ou encore The Lemon Song nettement inspiré du Killing Floor de Howlin’ Wolf. Le morceau paru en 1969 sur Led Zeppelin II est une resucée d’un titre de Wolf sorti trois ans plus tôt. Une action en justice de 1972 finira par un accord hors tribunal. Wolf touchera un premier chèque de 45 123 dollars – belle somme pour l’époque – et son nom (Chester Burnett dans le civil) est désormais crédité pour la paternité de The Lemon Song. Il suffisait de demander.

Parfois, l’emprunteur – même légaliste – est intégralement dépouillé. Ainsi, lorsque The Verve utilise en 1997 un sampling des Rolling Stones pour son hit single Bitter Sweet Symphony. La chanson utilise un extrait de The Last Time (1965) de Jagger-Richards dans une version du Andrew Oldham Orchestra, groupe fantôme monté par leur manager sixties. Mais le copyright appartient à Allen Klein, businessman américain qui au départ offre à The Verve un deal 50/50. Quand il voit le carton international réalisé par Bitter Sweet Symphony, il exige et obtient 100 % des royalties et donc du profit. Le chanteur de The Verve, Richard Ashcroft, en fera une dépression, le groupe splittant en 1999, sans avoir gagné un penny sur son imposant tube mondial! Il existe aussi une mathématique du plagiat: plus l’artiste a du succès, plus il est accusé d’emprunt illicite. Guère étonnant que Madonna soit concernée par le sujet, plus étonnant peut-être que l’accusation ait été portée par un (obscur) chansonnier belge. Fin 2004, Salvatore Acquaviva entame une procédure judiciaire contre la chanteuse américaine qui, estime-t-il, a pompé son Ma vie fout l’camp sur le titre Frozen de l’album Ray Of Light paru en 1998. Un juge montois, Xavier Hiernaux, constate une similitude de quatre mesures (sic) entre les deux titres et ordonne le retrait du single et de l’album concernés des magasins. Il interdit également les passages radio et TV. Dans le seul périmètre judiciaire qui le concerne, évidemment: la Belgique (3). Mais comment Madonna aurait-elle pu entendre cet obscur objet du désir qu’est Ma vie fout l’camp, un non-hit de 1994? Acquaviva explique que la chanson date de 1978 et qu’il a alors partagé avec Madonna, le même producteur (belge), le mouscronnois Jean Van Loo. Ce dernier chapeaute en 1979 Born To Be Alive, tube disco mondial pour Patrick Hernandez, sur lequel Madonna danse lors de quelques play-backs télés. Jean Van Loo lui aurait fait écouter une maquette de Ma vie… et le reste appartient à l’histoire. Fascinant, non? l

(1) L’info suivra.

(2) Divers chiffres circulent mais celui de quarante millions d’exemplaires vendus dans le monde, semble le plus réaliste.

(3) Madonna a fait appel du jugement mais à l’été 2006, un certain Ted Scotto a porté à son tour l’affaire devant la justice française, s’attribuant la paternité du morceau « plagié » et demandant simultanément réparation à Madonna et à S. Acquaviva! L’affaire sera traitée à Paris en avril…

Texte Philippe Cornet

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