Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’âge ingrat – L’orfèvre Sufjan Stevens se prend les pieds dans le tapis avec un drôle de trip futuriste et électronique.

« The Age of Adz »

Distribué par Asthmatic Kitty.

Avec sa pop orchestrale à la Belle and Sebastian ricain, son idée mégalo farfelue d’enregistrer un album par état de sa chère et pas toujours très tendre Amérique (seuls le Michigan et l’Illinois y ont jusqu’ici eu droit), puis aussi ce petit côté décalé typiquement US qui le menait à écrire chaque année des chansons de Noël et à faire des pyramides humaines sur scène avec ses choristes en tenues de pom pom girls, Sufjan Stevens est un fameux spécimen. Un de ces mecs qu’on s’est mis à chérir dans l’industrie un peu (euphémisme) trop formatée du disque. Avec The Age of Adz, Sufjan n’est pas rentré dans le rang. Cependant, l’élève turbulent qui nous amusait et nous faisait avaler son excentricité grâce à son bon goût et son talent est tout doucement (euphémisme encore) en train de nous agacer avec ses simagrées. Le garçon avait déjà vu des ovnis… Il mériterait aujourd’hui de se faire enlever par des extra-terrestres. S’enfermant à la surprise générale dans un méchant trip futuriste où les boîtes à rythmes et les synthétiseurs analogiques ont pris le pas sur les banjos et les guitares.

Attaqué par un mystérieux virus qui a affecté son système nerveux, Stevens a souffert de douleurs chroniques et a même dû arrêter de bosser sur sa musique pendant plusieurs mois.  » Ce disque est le résultat d’un travail perturbé par des problèmes de santé qui m’ont rapproché de mon moi physique. C’est ce qui explique qu’il est réellement obsédé par la sensation et a ce côté mélodrame hystérique.  »

Branlette cosmique

Sufjan Stevens l’a déjà dit, et même confirmé de vive voix lors d’un concert en demi-teinte au Wiltern, superbe théâtre de Los Angeles. The Age of Adz, de sa pochette à son ambiance, a profondément été marqué par l’artiste Royal Robertson. Un drôle de coco, obscur et cinglé, mort en 1997 à l’âge de 67 ans, qui avait tout de même trouvé le temps de s’autoproclamer prophète.

Bizarrerie kitsch, cet album de rupture, celui on l’espère d’une folie passagère, frappe surtout les esprits (êtes-vous encore là?) par son usage irritant de l’électronique et son obsession pour les fantaisies cosmiques.

The Age of Adz, qui a donné son titre à l’album, ressemble à un générique de la guerre des étoiles que le garçon aurait enregistré avec l’horrible Bono, tandis que l’interminable Impossible Soul, 25 minutes de pompante branlette, incarne à lui tout seul l’inutile recherche sonore poussée à l’extrême.

Et si des titres tels que Too Much et I Walked pourraient autant goûter à des êtres humains plus ou moins sains de corps et d’esprits qu’à d’étranges créatures à 3 bras, et probablement sans oreilles, c’est plus grâce à la douce voix de Stevens qu’à ses délires d’exploration. Quitte à partir à l’aventure, le Sufjan, il ferait peut-être bien de reprendre son projet herculéen et de faire un petit tour en Louisiane…

Julien Broquet

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