à travers une expo rétrospective et un ouvrage critique, la galerie parisienne Magda Danysz rappelle que le street art est devenu un courant artistique majeur au tournant du XXIe siècle. N’en déplaise aux sceptiques et aux retardataires…

Après avoir longtemps végété dans les limbes de l’art – la fameuse question: en est-ce ou pas? – , l’art urbain accède aujourd’hui à la reconnaissance. Le fait est indéniable. Des exemples? Les £uvres de Banksy vendues chez Sotheby’s – le célèbre Keep it spotless attribué pour la somme de 1,87 million de dollars -, les musées prestigieux qui ouvrent grand les portes – Tate Modern, MACBA… -, ou encore les expositions clinquantes – Né dans la rue à la Fondation Cartier, pour ne citer que la plus récente. Côté édition, même effervescence, on ne compte plus les livres sur le sujet, illustrations à l’appui. N’empêche, il manquait un ouvrage critique capable de décrypter près de 70 ans de tribulations esthétiques – du moins si l’on prend comme point de départ le fameux Kilroy was here, soit l’association d’un nom et d’un graffiti largement répandus lors de la Seconde Guerre mondiale.

C’est aujourd’hui chose faite sous l’impulsion de la galeriste parisienne Magda Danysz qui publie From Style Writing to Art, a Street Art anthology, anthologie de près de 400 pages qui explique et approfondit l’aspect artistique du mouvement. Pour avoir exposé avant les autres des signatures comme Jonone, Shepard Fairey – le fameux Obey -, Dface ou Miss Van, Magda Danysz écrit en connaissance de cause. Le fait qu’elle soit décorée Chevalier des Arts et des Lettres par le ministère français de la culture est également symptomatique d’une évolution des mentalités. Elle est dépassée l’époque où, parlant de street art, un confrère lui avait lancé:  » Tu n’écriras pas un chapitre de l’histoire de l’art. » Décontenancée à l’époque, celle qui partage son temps entre une galerie à Paris et une autre à Shanghai aurait aujourd’hui vite fait de lui répondre que  » le street art est le principal mouvement du début du XXIe siècle« . Un point de vue qu’elle n’a pas de mal à étayer.  » La plus grande force du street art, c’est sa vitalité, nous explique-t-elle . Il s’agit d’un fantastique chaudron graphique et créatif. Dans la rue, l’émulation est totale, les £uvres sont constamment en concurrence. Cela ne se produit pas seulement à l’échelle d’une ville, les dimensions sont planétaires -les graffeurs japonais savent parfaitement ce qui se fait au Brésil. Tout circule à toute vitesse, constamment. C’est la raison pour laquelle ces pratiques urbaines ont évolué si rapidement. On est loin du schéma de l’artiste seul face à son £uvre. Dans le contexte d’une ville, une £uvre répond à une autre presqu’immédiatement. L’autre force du mouvement, c’est la maîtrise. Peindre à la bombe nécessite une technique de folie, idem pour le pochoir. Cela contribue aussi à renforcer le mouvement. Sans compter qu’effectuer un graffiti sur un mur est un processus qui compte cinq étapes: le repérage, la préparation de l’£uvre dans un sketch book, la mise en place du matériel, la réalisation de l’£uvre dans l’urgence et, enfin, la prise de photo. C’est une démarche complexe dont l’accomplissement de l’£uvre n’est qu’une facette. Du coup, les artistes évoluent dans des horizons créatifs plus larges. Toutes ces raisons ont fait du street art un courant artistique à part entière. »

From Style Writing to Art, a Street Art anthology, Magda Danysz, 388 pages,

éditions Drago (ouvrage en anglais).

From Style Writing to Art, Group Show, galerie Magda Danysz, 78, rue Amelot, à 75011 Paris. Jusqu’au 21/11.

www.magda-gallery.com

Texte Michel Verlinden

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