LA VÉRITÉ SI JE MENS – UN JOURNALISTE DÉCHU DÉTERRE UN SCANDALE DE GRANDE AMPLEUR. SUR FOND DE RÉDEMPTION, UN THRILLER PARANOÏAQUE QUI NE MÉNAGE PAS SES EFFETS.

DE JAMES SIEGEL, ÉDITIONS LE CHERCHE MIDI, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ETATS-UNIS) PAR SIMON BARIL, 464 PAGES.

Petite séance de rattrapage: Storyteller est sorti en novembre dernier. On avait d’autres chats littéraires à fouetter à ce moment-là, du coup ce polar américain a mis du temps à se hisser au sommet de la pile. C’est sa couverture hameçon parodiant la une d’un tabloïd qui l’a sauvé des eaux de l’oubli.  » J’étais destiné à raconter l’histoire que personne ne devait jamais raconter« , clame la manchette. Le genre de petite phrase qui ouvre l’appétit…

Dès les premières pages, on a compris qu’il faudra faire une croix sur le sommeil, sur l’hygiène et sur toute forme de socialisation aussi longtemps qu’on n’aura pas avalé jusqu’à la dernière goutte le récit liquoreux de ce journaliste enfermé dans une chambre d’un motel californien miteux. Visiblement pressé par le temps, il est là, confie-t-il, pour écrire son dernier papier. Sans qu’on sache encore exactement de quoi il retourne, on sent bien à l’anxiété du bonhomme qu’il s’apprête à lâcher une bombe. Et que ça ne plaît pas à tout le monde.

Ex-star d’un grand quotidien new-yorkais, Tom Valle s’est grillé à vie 2 ans plus tôt quand on a découvert qu’il avait bidonné une cinquantaine de reportages. « Encouragé » dans la mauvaise direction par les compliments de son boss myope, le bonimenteur avait fini par monter une petite entreprise du mensonge qui ne pouvait que se casser la figure un jour ou l’autre. Car à force de maquiller la vérité pour la rendre plus sexy, un jaloux finirait bien par vouloir gratter la surface.

Déchu, il s’est exilé la plume entre les jambes à l’autre bout du pays, dans un bled nommé Littleton où le rédac chef du canard local a bien voulu de lui. Condamné à l’ennui, il passe ses journées à couvrir les inaugurations de centres commerciaux. Et le soir, il balade sa solitude au bowling du coin. Pas de risque qu’il oublie ses méfaits, sa culpabilité et les piques du shérif s’occupant de cuire à petit feu les restes de son estime de soi.

Plus dure sera la chute

Sans prévenir, le destin va lui proposer une offre de rachat. Lors d’un banal accident de la route où on l’a envoyé, Tom Valle a du mal à gober la version officielle. Deux ou 3 coups de fil et les confidences du médecin chargé de l’autopsie de la victime qui a fini en saucisse carbonisée vont le conforter dans l’idée d’une mise en scène. Problème: quand on a l’étiquette de menteur professionnel collée dans le dos, pas simple de convaincre quiconque qu’on n’affabule pas. Surtout quand on prétend avoir levé un lièvre de la taille d’un éléphant…

Impitoyable avec nos nerfs, James Siegel tartine son scénario de cliffhangers et de rebondissements vicieux. Le cerveau empiffré d’adrénaline, on tourne les pages à la vitesse des pales d’un ventilo pour voir où mène cette enquête aux ramifications de plus en plus inquiétantes. Car Valle n’a pas mis les pieds dans une petite combine sordide mais bien dans un scandale sans précédent enterré, ou plutôt noyé, 50 ans plus tôt, quand les Etats-Unis et l’URSS se disputaient la palme de la paranoïa nucléaire.

Certes, Siegel n’est pas Truman Capote, il privilégie le rythme à la psychologie des personnages. Mais son style ultra visuel et sa construction diabolique embrigadent l’attention. La complaisance pour les complots et le besoin de croire à l’invraisemblable font le reste. Il y a d’ailleurs fort à parier que comme ce fut déjà le cas pour Dérapage, Storyteller rebondira sur les écrans. On voit bien un David Fincher arroser cette fleur vénéneuse…

LAURENT RAPHAËL

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