AMOUREUX, INSTALLÉ DÉSORMAIS À NASHVILLE, JAMIE LIDELL SORT UN CINQUIÈME ALBUM « PRINCIER », FUNKY ET SEXY EN DIABLE.

Sortir un disque, se contenter de l’appeler par son nom, cela ne mange pas de pain. Tout le monde l’a fait (de Bob Dylan à Mariah Carey). C’est non seulement pratique: pas besoin de se creuser les méninges pour trouver un titre original. C’est logique: puisque la « musique est un cri qui vient de l’intérieur » (Lavilliers dans le texte…), votre disque, c’est forcément vous. Une sorte de carte de visite. Sauf que l’album que sort ici Jamie Lidell n’est pas son premier. Mais bien son… cinquième! « OK, ce n’est pas mon premier album, mais c’est le plus complet. Quelque part, il revient à l’esprit d’expérimentation sonore des débuts, tout en proposant des vraies chansons. Il était temps. »

Flashback. En 2005, on rencontre une première fois Jamie Lidell pour l’album Multiply. Souvenir d’un artiste planqué derrière de grosses lunettes, armé d’un humour tongue-in-cheek qui permet de botter régulièrement en touche. Pas forcément un « client ». Huit ans plus tard, le nerd dégingandé s’est débarrassé de ses doubles foyers. Belle gueule, il a toujours un regard un peu rêveur. Mais même au bout d’une journée promo, il apparaît encore complètement détendu et souriant. La raison de cette mue, déjà entamée avec Compass, son album précédent, semble évidente. Elle est même assise au fond de la pièce: sa manager est aussi sa femme, coup de foudre d’une vie. Un élément de stabilité dans une trajectoire hyperkinétique. Né dans la campagne anglaise en 1973, Lidell a bourlingué de Berlin à New York, collaborant régulièrement avec ses potes Feist, Gonzales, Beck… Le premier projet qui a fait parler de lui est d’ailleurs un duo: Supercollider, funk futuriste monté avec Cristian Vogel. En solo, Lidell signe ses premières expérimentations sonores sur le label Warp (il y est toujours), avant de plonger dans la soul vintage (l’album Jim en 2008) et de frôler le succès grand public.

Nashville Skyline

Aujourd’hui, loin de l’agitation, Jamie Lidell s’est installé à Nashville. Il y a acheté une maison et construit un studio. « Cela fait longtemps que j’en cherchais un. J’ai loué des endroits pas mal quand j’étais à Berlin, mais il y avait toujours quelque chose qui foirait. Il faisait froid, c’était trop petit… Ici, j’ai aménagé l’ancienne bibliothèque de la maison qu’on a achetée. C’est un endroit de rêve, il y a du bois partout, des grandes fenêtres, plein de lumière. C’est une sorte de mini-opéra de Sydney! » Longtemps nomade, l’Anglais semble donc avoir trouvé un port d’attache. Aussi incongru que cela paraisse pour quelqu’un qui a jusqu’ici toujours cherché l’animation. Dans la capitale de la country, il traîne volontiers avec le cinéaste weirdo Harmony Korine (« Il m’a fait découvrir The Weeknd et a su me faire apprécier Lil Wayne »), ou Pat Carney, le batteur des Black Keys. « Il y a ce cliché sur Nashville qui veut que tout le monde y est musicien. Mais c’est en partie vrai. L’ingénieur du son qui m’a aidé à monter mon studio a des grammys dans son bureau -il ne m’avait rien dit! L’autre jour, je passe au garage. Le patron me présente un de ses potes: c’était Dan Penn, le mec qui a écrit Do Right Woman pour Aretha Franklin! »

A Nashville, Lidell trouve donc le calme, la sérénité, un endroit où se poser. Pour la première fois, il peut entasser dans une seule pièce tout le matériel accumulé au fil des années. Dont pas mal de technologie vintage: clavier Rhodes chroma, synthé Prophet 5 ou Oberheim OB-XA… « Ce sont des instruments qui ont une vraie personnalité, qui n’ont souvent été produits qu’à quelques centaines d’exemplaires. Un simple riff peut vous colorer tout un morceau ou débloquer une série d’idées. C’est comme une pièce dont vous changez l’éclairage. C’est parfois très subtile, mais cela peut vous faire apprécier les choses différemment. » Malgré ce matos rétro, l’Anglais tient ses marottes soul sixties à distance. Seule l’influence de Prince et de sa période dorée des années 80 reste centrale, présente sur quasi tous les morceaux. « Le son de drum machine que je préfère, c’est pas la 808. Mais la Linn Drum, celle de Prince. Si vous démarrez avec cette palette de son, d’une manière ou d’une autre, vous renverrez toujours à l’univers de Prince. C’est son truc. Et en même temps, personne ne possède une drum machine. Il l’a juste achetée. Je peux l’acheter aussi. »

Décomplexé par rapport à ses influences, Jamie Lidell a pondu le disque qui lui correspond certainement le mieux, un feelgood record combinant ses envies de bidouillage avec une ligne claire. Funky toujours. « Je voulais éviter les ballades et me rapprocher du dance-floor. Essayer de retrouver l’ambiance de la première partie de soirée du vendredi. Quand tout le monde commence à être un peu ivre. Ce truc un peu amoureux, printanier et optimiste. » Soit précisément la situation dans laquelle semble évoluer aujourd’hui Lidell, et qu’il n’est pas près de lâcher, quitte à ranger de vieilles habitudes au placard. A propos du morceau Selfish, il explique ainsi: « Je vis pour moi depuis tellement d’années. J’ai longtemps été quelqu’un de très solitaire, je n’avais qu’à me soucier de ma gueule. Il est temps que je m’ouvre davantage aux autres. Là j’apprends (sourires). C’est un équilibre à trouver. Avec ce disque, j’ai envie de transformer cet égoïsme simplement en confiance. Et voir ce qui se passe… »

JAMIE LIDELL, JAMIE LIDELL, WARP. EN CONCERT (COMPLET) LE 17/03, À L’AB, BRUXELLES.

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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