Même si son 3e album, Ghost Days, est plus gai que ses prédécesseurs, Syd Matters peut toujours tirer des larmes à un cailloux. Sad but true.

La tristesse, disait Montesquieu, vient de la solitude du c£ur. Forcément, au début du 18e siècle, on ne connaissait pas encore Syd Matters. En trois albums irréprochables, le groupe parisien n’a cessé de tourmenter nos âmes avec un charme paradoxalement réconfortant. « Tout est relatif. Tout est une question de perception, relativise Jonathan Morali, chanteur à la barbe proéminente. Je n’ai pas de grandes capacités vocales. Du coup, ma voix teinte énormément nos morceaux. Certaines chansons de Ghost Days , notre nouvel album, sont très gaies mais avec mon timbre, elles deviennent au mieux mélancoliques. Au pire très tristes. »

Pour étayer son propos, le brillant Morali, pour qui le désespoir n’a rien d’un moteur, puise dans le passé. Pointe une incompréhension.  » Nick Drake est souvent considéré comme un mec tragique. Je le trouve pourtant lumineux. Voire joyeux. Ses textes n’ont rien de déprimés. Les harmonies, la musicalité de son £uvre sont peut-être plus mélancoliques que son propos. Mais il a surtout été rattrapé par son image. Son personnage et sa légende en tout cas sont pesants. Ce mec est mort à 26 ans, chez sa maman. Et il n’a jamais eu de succès de son vivant. Forcément, ça calme. »  » A contrario, les gens dansent en boîte sur Joy Division alors que les paroles de Ian Curtis sont hyperdures et lourdes« , poursuit l’un de ses musiciens.

DEMI-MESURE EUROPéENNE

Aux yeux et aux oreilles de Lou Reed, parole de Sharon Jones qui l’a accompagné en tournée, Berlin ne serait d’ailleurs pas sombre et douloureux.  » Chez tous les grands musiciens, tous les grands artistes, on retrouve une palette assez large de sentiments, reprend Jonathan Morali. Ainsi, j’ai l’impression que dans les choses les plus gaies, il y a souvent une part de détresse. Etre très expansif, c’est aussi une façon de se protéger. Les humoristes, à mes yeux, sont les gens les plus tristes du monde. Quant aux chanteurs de soul, ils crachent leurs tripes, leur désespoir avec une pêche incroyable. »

Peut-on dès lors discerner la tristesse musicale américaine de celle qui habite les disques de ce côté-ci de l’Atlantique? « Ce que je vais dire est peut-être faux mais je le dis quand même, sourit la voix de Syd Matters. Je pense qu’il y a quelque chose de plus extrême aux Etats-Unis. En tout cas, il y a quelque chose de plus retenu en Europe. Du moins en France. Un comportement de demi-mesure. On veille à ne pas être trop comme-ci ou trop comme-ça. La façon d’exprimer la tristesse chez nous me semble davantage middle of the road. Il y a une retenue chez moi qui est très française. Culturelle. »

S’il vous prend l’envie soudaine de glisser Ghost Days dans votre ordinateur, vous remarquerez que Syd Matters a prévu un ordre différent pour ses chansons en fonction de l’heure à laquelle vous écoutez son album. « Le sentiment que te procure la musique est totalement différent le matin, le soir ou la nuit. Il dépend de toi, de ce que tu vis. Peu de chansons te mettent dans un état constant. » Quoique. Celles de Syd Matters frôlent l’émerveillement permanent.

Album: Ghost Days, distribué par Because Music/Bang! www.sydmatters.com

TEXTE julien broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content