The Pacific, le dernier bébé de Steven Spielberg et Tom Hanks, est la minisérie laplus chère de l’Histoire. Et aussi la plus ambitieuse. James Badge Dale en joue le rôle principal, celui de Robert Leckie, soldat dont les mémoires ont inspiré le récit.

Dans une interview, votre collègue Joe Mazello raconte cette running joke née sur le tournage: chaque soir, vous vous disiez:  » Non, c’était aujourd’hui le plus dur.  » Les choses ont été si pénibles que cela?

James Badge Dale: Ce n’était pas un travail normal, de fait. La chaleur était insupportable, nous étions constamment attaqués par des insectes, pas question de retourner à sa caravane entre 2 scènes pour fumer une cigarette, nous ne pouvions que chercher une souche d’arbre pour nous asseoir… (il rit) Tout devait aussi rester le plus réaliste possible. Dans la région, les précipitations importantes étaient par exemple responsables du pourrissement des uniformes des soldats. Ils partaient littéralement en lambeaux. Des techniciens étaient dès lors chargés de nous asperger constamment avec des lances d’incendie. La deuxième semaine où nous étions ensemble, je me souviens que quelqu’un s’est demandé ce qui pouvait puer autant. Nous nous sommes aperçu que c’était nous. (il rit)

Vous pouvez aujourd’hui imaginer quelle était la réalité, ou c’est exagéré?

Je ne dirais pas que je comprends ce que ces hommes ont enduré, ce serait leur manifester peu de respect. Mais en faisant appel à mon imagination, j’arrive quelque peu à me représenter ce qu’ils ont vécu. La poussière, la boue, la peur dans les tranchées, la nervosité sur le champ de bataille, les balles qui sifflent en permanence… Tout ça m’a semblé très réaliste. Nous n’avons pas utilisé d’images de synthèse pour les fusillades, hein: They really blew the shit out of us. Après les prises de vues, j’étais littéralement épuisé. Je me souviens que quelques jours après la fin du tournage, je suis allé avec ma compagne assister au feu d’artifice tiré à New York pour le 4 juillet; à chaque explosion, je sentais mon corps se raidir.

Avant le tournage, vous êtes partis suivre un entraînement militaire de 9 jours.  » Pour transformer en marines ces poltrons d’acteurs« , disait Tom Hanks dans une interview. Ça s’est passé comment?

Au départ, je pensais que nous allions apprendre à manipuler les armes et parler le jargon des soldats. Nous lever à 11 heures, boire un cappuccino, faire un peu de jogging, je voyais déjà le truc (il rit). Quand nous sommes arrivés, une espèce de sergent instructeur nous a donné un sac à dos de 50 kilos et nous avons été envoyés courir dans la jungle. Ensuite, nous avons dû creuser un fossé, suffisamment profond que pour pouvoir nous y abriter. En cours de route, nous avons compris le but de la man£uvre: nous casser. Le tournage a débuté tout de suite après la fin de ce camp, et ils voulaient que nous y arrivions sous-alimentés, épuisés et méchamment en colère, c’est-à-dire l’état d’esprit dans lequel les soldats sont arrivés en Asie. Et ça a réussi: il y a eu des cris, des jurons, et même des pleurs (il rit). A la fin, j’étais tellement loin que je ne faisais même plus tellement la différence entre le camp et le tournage. J’étais dans le brouillard.

J’imagine que pour le troisième épisode, le tournage à Melbourne, où les soldats ont même eu droit à des vacances, a été comme une respiration pour les acteurs?

Oh, je pense que vous n’avez jamais eu l’occasion de voir une troupe d’acteurs aussi heureux. A l’époque, nous avions accumulé 3 mois de jungle, totalement coupés du monde. Nous sentions mauvais, nous étions crevés, affamés, puis voilà qu’ils nous expédient tout à coup à Melbourne et nous débarquent auprès de jolies actrices australiennes. Je crois que nous avons essayé de toutes les séduire, nous étions juste une bande d’écoliers lâchés dans la nature (il rit).

En évoquant The Pacific, difficile de ne pas parler du budget. Y a-t-il eu un moment sur le tournage où vous vous êtes vraiment aperçu qu’il s’agissait d’une production gigantesque?

Le deuxième jour, je devais jouer mes premières scènes, avec un vieux pote de New York. Juste avant que le réalisateur ne crie « action », il se tourne vers moi et me glisse à l’oreille:  » 200 million dollar, man, don’t fuck up! » (il rit). Mais il était littéralement impossible de faire un pas sans être confronté au gigantisme du projet, sans voir quelque chose à propos de quoi on se demandait combien ça avait coûté. Ils ont construit tellement de décors impressionnants: à un moment, on se retrouvait sur une base aérienne, 100 mètres plus loin, c’était la plage d’Okinawa, à côté, on arrivait à Iwo Jima… Vous ne pouvez pas savoir ce qu’ils ont investi dans les palmiers en plastique (il rit).

Le fait de jouer quelqu’un qui a réellement existé a-t-il constitué une pression supplémentaire?

Absolument. Ces 200 millions de dollars, vous pouvez vous les ôter de la tête, mais pas le fait que l’épouse et la fille de Robert Leckie sont toujours vivantes et qu’elles vont voir la série. Mais nous étions tous, les auteurs, les acteurs et les producteurs, parfaitement conscients de notre responsabilité: restituer cette histoire le plus honnêtement et avec le plus de véracité possible. Je pense que nous y sommes là aussi arrivés.

Vous avez eu beaucoup de contacts avec Tom Hanks et Steven Spielberg, ou sont-ils restés en retrait, en tant que producteurs?

Je leur ai quand même parlé à quelques reprises, et ça, ce sont des moments qu’on retient, en tant qu’acteur. Dans le cas de Steven Spielberg surtout, on se rend compte qu’il réfléchit en termes d’histoire: tout ce qu’il dit, tous ses conseils sont ceux de quelqu’un qui maîtrise comme personne l’art du récit. De Tom Hanks, je me souviens qu’il est venu au camp d’entraînement. C’était notre premier jour, et nous avions tout juste reçu pour mission de monter tout un tas de tentes dans un alignement parfait. Mais comme nous sommes des acteurs et que nous sommes à peine capables de tracer une ligne droite, imaginez le faire avec des tentes (il rit). Après un quart d’heure, nous avons pu aller nous asseoir et le sergent s’est mis à gueuler que nous ne valions rien et que nous ne parviendrions jamais à rien dans la vie. Arrive alors une Jeep noire, qui s’arrête juste devant nous. Tom Hanks en sort et nous sert un long discours qui nous a été d’un grand soutien, nous disant à quel point The Pacific racontait quelque chose d’important, que nous allions rendre hommage à des milliers de soldats tombés au champ d’honneur ainsi qu’aux familles… Cela dit, pour être honnête, je ne m’en souviens pas plus que ça: je réfléchissais à la manière de monter cette fichue tente droite (il rit). l

OFFRE SPÉCIALE POUR NOS ABONNÉS: Le coffret 6 DVD de The Pacific à un prix exceptionnel. Voir flap en couverture du Vif de cette semaine.

Entretien Stefaan Werbrouck

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content