Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

FAITHFULL BALADE LUCY JORDAN, SISTER MORPHINE ET D’AUTRES DÉCADENCES ASSUMÉES DANS UN ALBUM LIVE QUI RAVIT PAR SES TONALITÉS INCISIVES.

Marianne Faithfull

« No Exit »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

8

On n’avait pas ce souvenir-là, basé sur un concert anversois des années 1990: Marianne Faithfull y glissait son répertoire dans des arrangements plus proches du cabaret que des guitares acides. En interview, elle jouait du même détachement aristo frigide, dame de grandes promesses vénéneuses mais de petites vertus électriques. On avait quand même un autre bout de mémoire, celui d’une Faithfull sauvée de la poudre et de la rue par un album new wave, le Broken English de 1979. Manifeste magnétique déroulant ses incertitudes en haut voltage: le rock et les parfums d’une vie composite débutée à même pas 18 ans via As Tears Go By -superbement repris ici-, composé en 1964 par Keith Richards et Mick Jagger. Avec ce dernier, Marianne traversera la seconde moitié des sixties dans la brume des drogues et du cirque médiatique. Ici, à l’aube de sa septième décennie (le 29 décembre prochain), elle propose un live décliné en plusieurs supports, dont le disque est le plus intéressant. Elle y bouscule et transcende dix chansons de différentes époques mais de même configuration sonore. Pas vraiment un hasard puisque son quatuor nerveux consiste en Rob Ellis, batteur entendu chez PJ Harvey, Jonny Bridgwood, ex-bassiste de Morrissey, le claviériste Ed Harcourt et puis Rob McVey aux guitares. Ce dernier épice vraiment le truc, en acoustique frénétique ou, le plus souvent, dans des giclées incisives et électriques. Un jeu presqu’heavy lorsqu’il souligne la balance des sentiments exagérés (Mother Wolf).

Vases communicants

Même avec six titres de plus que le CD, le DVD filmé à Budapest n’est pas enthousiasmant. Trop statique, Marianne accuse l’immobilisme de l’âge qui renvoie plutôt à la version audio. Six des dix morceaux du CD viennent du dernier album en date, Give My Love To London, paru il y a deux ans. On sent bien que la voix de la chanteuse retient son demi-siècle de nicotine: enfumée dans les graves avec ce truc précieux de détailler la langue anglaise comme si on était encore en début du XXe siècle. Le fait que Marianne Faithfull ait perdu de sa jeunesse vocale ne doit pas être étranger aux arrangements incisifs: des vases communicants s’arrangent entre eux pour doper les chansons. Justement, la version de Sister Morphine, composée en 1969 avec Jagger-Richards, s’étire au-delà des sept minutes via des guitares opiacées de plaisir, naviguant entre le blues rêche et des sonorités contemporaines proches de ce que pourrait jouer Marc Ribot, d’où ce magistral solo en milieu de titre. Avec un batteur qui n’est pas sorti du mont de l’Enclume et deux autres instrumentistes tout aussi inspirés, la fin du disque est magnifique et l’ultime chanson The Ballad of Lucy Jordan, bouleversante.

LE 25/11 AU BATACLAN À PARIS

PHILIPPE CORNET

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