Sirk, au fil des illusions

Musical, film de guerre et mélodrames illustrent le talent polymorphe du réalisateur.

L’oeuvre de Douglas Sirk est décidément inépuisable, qui nous revient à intervalles réguliers, portée par l’actualité Blu-ray/DVD. Sans avoir l’éclat des mélodrames flamboyants qui, de Magnificent Obsession à Imitation of Life, en ont fait l’un des maîtres incontestés du cinéma hollywoodien, révéré tant par Rainer Werner Fassbinder que par Pedro Almodovar ou Todd Haynes, les quatre films qu’édite aujourd’hui Elephant Films viennent rappeler l’étendue du talent d’un réalisateur polymorphe. On trouve parmi le lot une authentique curiosité, à savoir Le Joyeux Charlatan ( Meet Me at the Fair, 1953), inédit en DVD (et proposé dans une copie fatiguée). Soit un musical kitsch voyant un charlatan (Dan Dailey) battant l’arrière-pays américain avec son assistant pour y vendre son élixir frelaté recueillir un orphelin s’étant évadé d’une institution délabrée. Le prélude à une intrigue abracadabrante nourrie d’airs traditionnels, suivant le modèle qu’adoptera… Alain Resnais pour On connaît la chanson. Il est encore question d’orphelins dans Les Ailes de l’espérance ( Battle Hymn), tourné par le prolifique Sirk (22 films sur les seules années 50) quatre ans plus tard. À savoir ceux qu’a accidentellement bombardés le colonel Dean Hess (Rock Hudson, l’acteur-fétiche du réalisateur avec qui il a tourné à huit reprises) lors d’une mission en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, faisant 37 victimes, l’officier, rongé par le remords, trouvant une occasion de se racheter lors de son affectation en Corée. Quelques scènes aériennes spectaculaires pimentent son combat intérieur, film de guerre et mélodrame se confondant dans une oeuvre édifiante dont Jean-Pierre Dionnet nous apprend, dans son introduction, qu’elle reste l’une des productions étrangères les plus populaires en Corée…

Sirk, au fil des illusions

Tournés en noir et blanc, et dominés par l’immense Barbara Stanwyck, les deux derniers films de cette sélection vibrent d’une fibre toute mélodramatique, à laquelle la comédienne confère une sidérante intensité. Elle campe, dans All I Desire (1953), une actrice ratée retrouvant les siens et la petite ville qu’elle avait quittée pour assister à un spectacle de sa fille, Sirk signant là une oeuvre à l’ironie acérée, où mesquinerie provinciale, ressentiment et espoirs déçus composent un cocktail détonnant. Demain est un autre jour ( There’s Always Tomorrow, 1956) réunit pour sa part le duo d’ Assurance sur la mort, Fred Mac Murray et Stanwyck donc, un homme enfermé dans sa routine familiale et professionnelle, voyant ressurgir inopinément la femme qu’il avait aimée 20 ans plus tôt… Et le film, bouleversant, de prendre la mesure du temps qui fuit, emportant avec lui rêves communs, passion et autres illusions, sous l’apparence d’un bonheur sans failles…

Sirk, au fil des illusions

Quatre films de Douglas Sirk

Dist: Elephant Films.

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Sirk, au fil des illusions
Sirk, au fil des illusions

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