Simon Fransquet

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Magritte de la meilleure musique originale pour Au temps où les Arabes dansaient, le guitariste liégeois se multiplie sur divers terrains, de la composition à la création d’instruments.

Recevant, le 2 février dernier, le Magritte de la meilleure musique originale pour Au temps où les Arabes dansaient, le documentaire de Jawad Rhalib, Simon Fransquet a tenu à y associer Olivier De Zan, de la maison culturelle de Chênée, là où tout débutait, ou peu s’en faut, pour le guitariste liégeois, alors âgé de treize ans. « C’est avec lui que j’ai commencé à faire de la musique », expliquait, reconnaissant, celui qui, depuis, est devenu musicien professionnel, se multipliant, alors qu’il affiche désormais la trentaine, sur les terrains les plus divers: guitare, composition, de musiques de films et autres, mais encore enseignement ou lutherie…

« J’ai un parcours un peu atypique », sourit le musicien qui reçoit dans son studio d’enregistrement de Chênée, évoquant un entourage -père cheminot et mère femme au foyer- mélomane mais pas musicien, et un apprentissage où la musique s’est imposée de manière spontanée. « C’est quelque chose qui a toujours bouillonné, comme la lutherie d’ailleurs. Enfant, j’ai eu envie de faire de la guitare, et les choses se sont mises en place petit à petit… » Qui le conduiront, après des humanités artistiques où son coeur balance encore entre diverses disciplines (peinture, bande dessinée, sculpture, restauration d’oeuvres d’art…), à opter pour le conservatoire de Liège, que suivra le Jazz Studio d’Anvers, pour bénéficier de l’enseignement du guitariste brésilien Victor Da Costa.

Au rang de ses inspirations, Simon Fransquet cite un autre Brésilien, Nelson Veras, et son mélange de guitares jazz et classique, la musique électronique d’Aphex Twin, à qui il joint encore Wim Mertens, et ses boucles répétitives, ou Ibrahim Maalouf, réunis en quelque corps composite. Le brassage des styles, en effet, est au coeur de sa démarche musicale, qui embrasse des genres multiples tout en intégrant volontiers des instruments traditionnels butinés au gré de ses pérégrinations -nul hasard s’il a baptisé son quintette de jazz Taxidi, soit « voyage » en grec. « Le voyage, c’est fondamental, et Taxidi est vraiment le projet qui me représente le plus. J’ai choisi ce nom parce que je voulais que ce soit un voyage à travers plein de pays, plein de styles, des gens que j’ai rencontrés… »

Simon Fransquet

Signer la musique

Quant à la musique de films, elle s’est, somme toute, intégrée de façon naturelle à ce paysage mouvant. « J’ai toujours été passionné de cinéma, j’ai regardé plein de films qui m’ont donné envie d’en faire, comme American Beauty , de Sam Mendes, avec la musique de Thomas Newman. Quand je me rendais dans des festivals, je parlais de mon envie composer pour le cinéma, et de fil en aiguille, j’ai commencé sur des courts métrages. » Finir en beauté, de Vincent Smitz, rencontré en faisant de la figuration à l’IAD, est l’un d’eux, ouvrant une collaboration sur le long terme. Il y en aura d’autres, encore, avec Stéphane Hénocque, par exemple, dont il signe les musiques de Nous quatre puis de Petites coupures. « Une relation privilégiée entre un réalisateur et un compositeur, c’est comme un couple, c’est hyper compliqué, et ça se construit dans la douleur, parfois relève-t-il. Ce n’est pas pour rien que j’ai fait trois films avec Vincent Smitz, et que j’ai retravaillé avec Stéphane. Les réals sont souvent férus de musiques de films, mais ils n’ont aucune conscience du travail de compositeur. Ce n’est qu’en travaillant sur un, deux, ou trois films qu’ils comprennent comment ça fonctionne. Un réal a toujours le chic pour avancer des références américaines et des compositeurs énormes, comme James Newton Howard (compositeur notamment pour M. Night Shyamalan, NDLR) ou Danny Elfman (compositeur notamment pour Tim Burton, NDLR). J’adore, sauf que ce sont des mecs qui ont des budgets de malades et un orchestre derrière. Alors qu’ici, on est souvent dans un court métrage, avec très peu de budget: on ne saura pas forcément avoir aussi grandiose. C’est en retravaillant, après, que l’on arrive à trouver des subterfuges. » Soit, le plus souvent, un mélange -on y revient- entre instruments virtuels et réels -méthode d’application sur Au temps où les Arabes dansaient, documentaire interrogeant la manière dont l’intégrisme rejette l’art et la musique.

Jawad Rhalib, Simon Fransquet l’avait croisé à la faveur d’une avant-première d’ Insoumise, son précédent film. Entre les deux artistes, le courant passe et le projet prend forme. « À la base, on a parlé de rock et de musique arabisante, mais on a laissé tomber, pour ne pas verser dans le cliché, et on est partis sur des pianos plus classiques. Les images ont parlé d’elles-mêmes, elles sont douces et évoquent la liberté d’expression, et on s’est dit qu’il ne fallait pas quelque chose d’agressif ou d’anxiogène, mais quelque chose qui les embellisse. Au-delà de la vision du réalisateur, il y a ce que le film induit -il faut se mettre au service du film. » Manière aussi de rencontrer ce qui lui tient de leitmotiv: « Pour être un bon compositeur à l’image, il faut être passionné par l’image. J’adore la manière dont la musique peut sublimer les images, et dont les images subliment la musique. C’est hyper jouissif, composer un thème, le mettre sur une image, et voir que la musique prend une ampleur dingue et qu’inversement, les images deviennent dix fois plus belles. » Cette même passion qui l’anime lorsqu’il évoque l’enseignement de la guitare, activité exercée depuis ses 18 ans et qu’il poursuit aujourd’hui hors circuit académique – « j’ai toujours eu du mal avec l’enseignement traditionnel »-, la lutherie, sauvage ou traditionnelle, ou les projets dont il fourmille, et qui le feront voyager prochainement du cinéma au théâtre et ailleurs. Sans plus d’oeillères que de frontières…

Bande originale de Au temps où les Arabes dansaient, disponible sur toutes les plateformes online. www.simonfransquet.com

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