Antonio Banderas à l’affiche d’un film de Pedro Almodóvar, c’est un peu comme si l’on se retrouvait projeté à l’époque, si proche et si lointaine, où le duo embrasait l’écran le temps de 5 films qui, du Labyrinthe des passions à Atame!, allaient imposer le génie excentrique du cinéaste, tout en faisant de l’acteur une star. Banderas parti à Hollywood encaisser les dividendes de sa notoriété, leur histoire devait en rester là, le réalisateur n’ayant pas manqué pour sa part de réinventer son cinéma, bientôt parvenu à maturité. Vingt ans plus tard, La piel que habito renoue pourtant, et magistralement encore bien, le fil de leur collaboration; des retrouvailles qu’Antonio Banderas évoquait, le regard brillant, lors du dernier festival de Cannes. « J’ai eu l’impression de reconnaître quelque chose que j’avais quitté, il y a longtemps. Le contenu des histoires que Pedro souhaite raconter est sans doute plus complexe, et plus sérieux, et il est plus minimaliste et austère dans leur mise en forme qu’à l’époque. Mais, le plus fondamental, c’est que cet homme qui a aujourd’hui 60 ans reste plus vivant que jamais: même s’il est respecté, il ne veut pas caresser le public dans le sens du poil. Il cherche toujours à repousser les limites, et à atteindre cette situation vertigineuse où il peut déstabiliser les spectateurs. » Et de conclure l’envoi: « L’autre jour, lors de la projection, je suis revenu 25 ans en arrière: les réactions étaient similaires que lorsque l’on présentait Matador ou Atame!. Le public éprouve toujours la même incertitude lorsqu’il découvre un film de Pedro, et c’est fort bien. »

Un acte de foi

L’acteur, quant à lui, a renoué avec une méthode de travail différant sensiblement de son ordinaire hollywoodien: « Lorsque Pedro vous contacte, c’est qu’il a une bonne raison de le faire. La moitié du chemin est faite, spécialement avec quelqu’un comme moi qu’il connaît bien. Ce n’est pas facile pour autant: c’est lui qui façonne le personnage, et il faut s’abandonner entre ses mains. Pour un acteur, travailler avec Almodóvar est pratiquement un acte religieux, un acte de foi. On y croit, et on avance à l’aveugle, sur un fil tendu au risque de tomber et de se briser en mille morceaux. Je trouve incroyable qu’il puisse continuer à faire de tels numéros de voltige, sans jamais aspirer à quelque chose de plus confortable. J’y suis d’autant plus sensible que je travaille depuis 22 ans dans une autre cinématographie, où l’on veille surtout à ce que tout soit mangeable. On vous y sert de la nourriture toute préparée, qu’il ne vous reste plus qu’à ingurgiter: achetez, et mangez! Avec Pedro, c’est différent, il prépare d’autres types de mets, avec des goûts différents. A ce stade de mon existence, ce type de saveur acide, liée au danger et au vertige, ne s’est pas seulement avérée rafraîchissante, j’en avais besoin. »

A tel point, d’ailleurs, que Banderas n’aspire rien tant désormais qu’à revenir à cette cuisine plus sophistiquée. « J’ai appris à savoir dire non, ce qui est indispensable à Hollywood », sourit-il, alors qu’on l’interroge sur ses dispositions et une sélectivité nouvelles. Les résultats ne se sont pas fait attendre puisque, après Woody Allen ( You Will Meet a Tall Dark Stranger) et Pedro Almodóvar, on le retrouvera au générique d’un prochain film de Steven Soderbergh ( Haywire). Non sans se multiplier sur les terrains de la production comme de la réalisation – Solo, son troisième long métrage est en chantier. « Et bien sûr, si Pedro me rappelle, je serai là… »

J.F. PL.

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