Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Le choc des photos – À l’occasion du Mois de la Photo à Paris, la BnF consacre une exposition à la photographie américaine des seventies. Retour sur une rupture fondatrice.

Seventies – Le Choc de la photographie américaine

Un bon coup de poing dans les dents. Avec l’arrivée des années 70, la photographie américaine s’est pris une beigne en pleine face. Une mandale dont elle se souviendra longtemps. Il faut avouer qu’elle l’avait bien cherché. Avec sa tête de première de classe toujours prête à fayoter, elle n’a pas volé son coup de pied aux fesses. Sorte de schtroumpf à lunettes visuel, la photo US d’avant Robert Frank entendait bien donner la leçon au monde entier en diffusant une morale prétendument universelle – ce qui n’est pas sans rappeler un certain travers. Des images tirées au cordeau et des poncifs à gogo, tel était son fonds de commerce. Cette esthétique culmine dans la fameuse série Family of Man d’Edward Steichen, une £uvre dégoulinante de bons sentiments que Roland Barthes ne s’est pas privé de percer à jour dans Mythologies. Heureusement, les 70’s vont venir secouer tout cela. Figure-clé, Robert Frank sera celui qui inaugurera un nouveau champ de possible. Après lui, plus question que la photographie ressemble à la peinture. Elle deviendra un art à part entière tirant profit de son vocabulaire et de ses spécificités techniques. Au départ, c’est un prêche dans le désert. Comme en témoigne un commentaire de Popular Photography, une revue d’alors, parlant des  » images floues, au grain marqué et inutile… à la totale absence de composition normale, à la qualité relâchée des photographies d’amateurs« . Près de 40 ans plus tard, quand on voit la cote qu’a prise son travail, on ne peut s’empêcher de sourire…

Panorama complet

Jusqu’au 25 janvier, la Bibliothèque nationale de France mettra en lumière quelque 300 photographies en noir et blanc de cette époque. Le tout pour une sélection qui a été opérée parmi plus de 3 000 clichés. Une abondance qui donne le ton d’une exposition à faire pâlir plus d’un musée nord-américain dans la mesure où la BnF s’est constituée un trésor de guerre en achetant des images aux différents photographes dès 1970. Pour preuve, en 1971, le lieu consacrait déjà une exposition au travail de ces jeunes américains habités par une esthétique du snapshot. Flou bougé, flou de mise au point, sujets sans qualité, banalité des situations et mises en scène volontairement cheap… on constate autant d’attaques en règle portées à la Straight Photography. Qu’il s’agisse d’Ed Ruscha, de Larry Clarck, de Walker Evans, de William Klein, de Diane Arbus ou de talents moins connus, on suit le fil de séries visuelles qui ont créé un discours esthétique de rupture. Salutaire, la rupture. Merci pour elle.

www.bnf.fr

Michel Verlinden

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content