Royal Rumble – Rumble!: le rock des Indiens d’Amérique

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Documentaire de Catherine Bainbridge et Alfonson Maiorana.

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L’Amérique a du mal avec ses minorités et a toujours eu tendance à négliger leur impact sur sa culture. Si l’influence des musiques noires sur le rock n’est plus aujourd’hui contestée que par des suprématistes blancs assurément un peu durs de la feuille, celle des Amérindiens reste injustement tue. Prix spécial du jury au dernier Festival de Sundance, le documentaire de Catherine Bainbridge et Alfonson Maiorana se charge de remédier à cette cruelle injustice. Rumble (castagne dans l’argot américain), c’est le titre d’une chanson de Link Wray. Le seul morceau instrumental à avoir été banni des ondes radio, censuré par peur d’incitation à la violence chez les jeunes des gangs. Peu de gens le savent. Encore moins le disent. Link Wray, qui a marqué de manière indélébile les esprits avec sa révolutionnaire distorsion, ce guitariste adulé par Pete Townshend, les Cramps et tant d’autres (« le son de la liberté », dit de lui Wayne Kramer du MC5), était un descendant de la tribu Shawnee. En 1907, le gouvernement des États-Unis demandait à des ethnologues d’enregistrer les musiciens autochtones à travers l’Amérique du Nord, convaincu que leurs cultures et leurs musiques n’allaient pas survivre. Fausse piste. Les Amérindiens (c’est tout le sujet de ce film) ont joué un rôle déterminant dans l’histoire du jazz, du blues et du rock. Le père du Delta Blues Charley Patton était un métis chacta. La reine du swing Mildred Bailey, la première femme chanteuse d’un groupe et la première à avoir eu son émission radio, a grandi dans une réserve indienne de l’Ohio. Quant à la folkeuse Buffy Sainte-Marie, blacklistée par le FBI et la CIA, elle est née au Canada dans une réserve de la Vallée du fleuve Qui Appelle… La réalisatrice et productrice canadienne Catherine Bainbridge s’était déjà attaquée à l’image stéréotypée de l’Indien dans les westerns hollywoodiens (Reel Injun). En 2010, elle avait même produit la série Mohawk Girls. Un Sex and The City mohican tourné dans la réserve indienne de Kahnawake. Porté par les témoignages entre autres de Martin Scorsese, Steven Van Zandt, Slash, Iggy Pop, Dan Auerbach, John Sinclair, Quincy Jones, Robert Trujillo, Steven Tyler et Jackson Browne, Rumble! The Indians who Rocked the World voyage en Caroline du Nord, à La Nouvelle-Orléans pour le Mardi Gras, dans le Mississippi ou encore la Réserve des Six Nations et raconte l’histoire de destins individuels en même temps que celle d’un peuple pour rendre aux Indiens un peu de ce qui leur appartient. Nécessaire et passionnant.

JULIEN BROQUET

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