Palme d’or à Cannes en 2007, Cristian Mungiu a initié les Contes de l’âge d’or, ouvrage collectif rouvrant, avec humour et esprit, l’album tragique des années Ceaucescu, à travers une série de légendes urbaines…

Palme d’or surprise en 2007 pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Cristian Mungiu retrouvait la Croisette en mai dernier, à la faveur de Contes de l’âge d’or, ouvrage collectif présenté dans la section Un Certain Regard. A son initiative, une poignée de cinéastes apparentés à la Nouvelle Vague roumaine y rouvrent l’album des années Ceaucescu de sinistre mémoire, auscultant la fin du régime communiste dans une série d’épisodes où humour absurde et satire font bon ménage. Encore sous le charme d’un film n’étant pas sans évoquer la comédie à l’italienne d’antan, on rejoignait le réalisateur et ses acolytes, le temps d’un entretien décontracté.

Comment ce projet a-t-il vu le jour?

Cristian Mungiu: J’ai voulu faire non pas un, mais plusieurs films sur cette époque en Roumanie, parce que, en y repensant, j’ai eu le sentiment qu’il y avait tant de choses à dire qu’un film n’y suffirait pas. J’ai écrit le scénario, soit 5 histoires plutôt drôles, vu que c’était là, avec le temps, le souvenir qui s’imposait de cette période, peut-être parce que, comme un ami me l’a fait remarquer, elle était, en elle-même, drôle à vivre. J’ai toutefois mis ce projet de côté pour me consacrer à 4 mois, 3 semaines et 2 jours parce qu’il convenait d’envisager cette époque sous un jour réaliste et sombre, avant de laisser libre cours à la nostalgie de nos 20 ans. Après quoi, s’agissant d’un projet consistant en courtes histoires, il m’a paru naturel d’y associer d’autres réalisateurs, ayant chacun leur vision. J’ai veillé à ne travailler qu’avec des gens de mon âge, qui avaient connu cette période, et s’en souvenaient jusque dans ses moindres détails.

Quelle est la part de réalité et de légende dans ces histoires?

C’est difficile à dire, mais elles sont vraies à nos yeux. Nous entendons par légendes urbaines des histoires vraies qui sont devenues à ce point populaires que tout le monde les racontait. Que l’on y ajoute ou que l’on en soustraie l’un ou l’autre détail, ces histoires étaient arrivées à quelqu’un. En tant que scénariste, ma tâche a été de ne pas choisir seulement les plus drôles, mais aussi les plus pertinentes sur le système, avec ses incidences sur les gens. Je tenais à ce que les personnages soient au c£ur des films, avec l’époque en arrière-plan.

Contes de l’âge d’or est un film à géométrie variable, certains épisodes n’étant pas montrés systématiquement. Pourquoi?

Cela fait écho au fait que, pendant les dernières années du communisme, il arrivait que l’on fasse la file toute la nuit sans savoir pourquoi. Nous avons voulu adapter cela au film: à partir du moment où les épisodes ont été créés séparément, il nous semblait amusant que le spectateur ne sache jamais à quelle projection il allait assister. Ici, à Cannes, il y avait 5 épisodes différents; en Roumanie, il y a 2 versions du film, et sur le DVD, il y aura 7 épisodes. Aux distributeurs de voir ce qu’il y a lieu de faire dans chaque pays, sachant que la durée d’ensemble pose problème, et rend impossible de projeter les 7 épisodes en salles ( la version présentée en Belgique en compte 4, ndlr).

Qui a réalisé chacun des épisodes?

Nous tenons, autant que possible, à insister sur la dimension collective du projet. Contes de l’âge d’or appartient à chacun d’entre nous. C’est un concept très communiste, la responsabilité est partagée.

Quel est votre sentiment à l’égard de l’ostalgie?

J’espère que personne ne pensera que nous éprouvons de la nostalgie pour cette période. Si nostalgie il y a, c’est pour nos 20 ans, notre jeunesse, et pas du tout pour le système. C’est un sentiment que chacun peut ressentir, il se trouve simplement que notre adolescence s’est déroulée sous un régime communiste. Impossible de parler de ce que nous avons vécu alors sans que le système n’y exerce une certaine influence. Il ne s’agit pas d’un film politique sur ses effets directs, mais il nous a semblé que les dommages collatéraux du communisme sur les gens étaient aussi tragiques que les grandes décisions.

Focus vous invite à découvrir en avant-première sur UniversCiné l’un des Contes de l’âge d’or. Marche à suivre en page 83.

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Cannes

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