Roue libre

© SAUVEGARDEZ L'AVENIR © SYLVAIN BUREAU COURTESY LE SALON D'ART
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

DOUBLE ACTU POUR SYLVAIN BUREAU: DEUX BONNES RAISONS POUR ENTRER DE PLAIN-PIED DANS SON UNIVERS PEU RÉJOUISSANT ET POURTANT JUBILATOIRE.

Roue de la vie

SYLVAIN BUREAU, LE SALON D’ART, 81 RUE DE L’HÔTEL DES MONNAIES, À 1060 BRUXELLES. JUSQU’AU 11/03.

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On ne sait pas grand-chose de lui. Il habite à Liège. Il est l’un des lauréats du Prix de la gravure décerné par le centre éponyme de La Louvière, ce qui est toujours un bon indice. Il a signé des illustrations pour la revue 24 h 01, ainsi que des animations pour le site JACK, la chaîne musicale de Canal+. On apprend de la bouche de Jean Marchetti, qui l’expose pour la première fois dans son Salon d’art, que le gars Sylvain Bureau aurait été nourri au punk. À voir les 29 oeuvres présentées, on aurait parié sur cette allégeance au « no future ». Un des travaux mis en avant n’annonce-t-il pas sèchement: « Le futur t’encule« . Shocking? Si cette franchise vous heurte, mieux vaut passer votre chemin car Bureau n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les oeuvres reprises sous l’intitulé Roue de la vie se divisent en catégories. Il y a les sérigraphies en couleurs -elles sont au nombre de trois- acides et graphiques, construites comme des bandes dessinées qui seraient passées dans une centrifugeuse. Mais c’est surtout les linogravures qui épatent par la maîtrise dont elles témoignent et les références qu’elles font valoir -entre autres Frans Masereel. Le propos de Sylvain Bureau est sombre, il dépeint une humanité ingrate et décomplexée. Bardée de technologie, elle cultive son amnésie en broyant la nature -on passe son temps comme on peut. Les slogans qui signent la mort des idéaux ne manquent pas: « La bouillie mentale est vendue au monde entier« , « Découpée en morceaux, la matière est déjà plus claire« , « Nous voulons mourir asphyxiés » ou encore le formidable »La nature n’a jamais été tendre avec nous, enfermée entre quatre murs elle nous fout enfin la paix« . Il grave comme d’autres envoient des uppercuts.

Paradoxalement, ces coups de marteau sur l’hideuse caboche de notre oublieuse condition humaine sont frappés avec beaucoup d’élégance. Jamais Bureau ne cède à l’image facile, il utilise toujours le détour, voire le détournement, et multiplie les niveaux de lecture pour donner à contempler.

Humour grinçant

Les compositions ont beau être sombres, au propre comme au figuré, elles sont lumineuses. On pense à Essaye encore, une main venue du ciel qui tend un billet à deux autres paluches en passe de se noyer. Le tout sous un ciel d’apocalypse. Il y a également cet énorme poisson qui évoque l’art des estampes nippones. Sur un arrière-plan de fumées d’usine, ses mâchoires se sont transformées en bouche d’égout et les feuilles qui l’entourent en fantômes. L’intéressé manie aussi l’humour grinçant, comme avec Sauvegardez l’avenir, une sorte de faux billet de 2 000 euros qui figure une ville tentaculaire et dont la légende complète est: « Sauvez l’avenir, construisez en acier« . La fuite en avant apparaît désormais comme la seule possibilité d’en finir au plus rapidement avec les singes d’hommes tombés de la vulve des mères que nous sommes. Remarquables sont aussi les deux portraits d’hommes en train de rire. On ne se trouve pas loin de l’esthétique déjantée d’un Pierre La Police. La bonne nouvelle, pour une fois, vient du fait que ce travail -tiré à 25 ou 30 exemplaires- reste abordable, entre 100 et 300 euros, à l’exception de N.O.P.E. , un grand format à 750 euros. Conquis? Dans ce cas, il ne faut pas manquer l’exposition proposée par Le Vecteur, à Charleroi, dès le 25 janvier.

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MICHEL VERLINDEN

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