La pluie, avant qu’elle tombe traduit une évolution sensible dans l’ouvre de Jonathan Coe.

En une quinzaine d’années et une poignée de romans, Jonathan Coe s’est imposé comme l’un des peintres les plus inspirés de l’Angleterre contemporaine, passée, de Testament à l’anglaise en Bienvenue au club et autre Cercle fermé, au crible d’une verve satirique qu’il possède à la fois acérée et hilarante. La pluie, avant qu’elle tombe, son dernier roman, traduit une évolution sensible dans son £uvre, délaissant le commentaire social et l’ironie pour embrasser un destin familial au féminin tragique sur trois générations. « J’était un peu fatigué du type de romans que j’écris depuis une dizaine d’années explique-t-il, alors qu’on l’interroge sur sa volonté d’explorer de nouvelles directions. Mais la plupart des idées de The Rain Before It Falls remontent aux années 80, époque où j’ai absorbé une série d’influences cinématographiques et littéraires sans rapport aucun avec l’ironie ou le commentaire social. Des romancières anglaises des années 20 et 30 comme Rosamond Lehmann ou Rose-May St Clair, notamment. J’ai laissé ces influences dormir pendant que j’écrivais mes romans satiriques. Lorsque, il y a trois ou quatre ans d’ici, je me suis attelé à l’écriture d’un nouveau roman, toutes ces idées me sont revenues. »

Courant des années 40 à aujourd’hui, le récit adopte une structure inédite. A la veille de sa mort, une vieille femme, Rosamond y enregistre ses souvenirs à destination d’une mystérieuse correspondante, s’appuyant pour ce faire sur une série de photos qui donnent chacune un chapitre au roman. « J’ai d’abord pensé procéder par une série de jump cuts d’une vignette à l’autre, pour ne préserver aucune sorte de continuité. J’ai alors réalisé qu’une sélection de photographies était la façon évidente de raconter cette histoire. Non seulement parce qu’elles capturent un moment statique, ou prétendent le faire, et le préservent, lui donnant un poids et une signification accrus, mais aussi parce que pour beaucoup de familles, la mienne comprise, si l’on envisage leur histoire dans les années 40 ou 50, les photos constituent la principale source de souvenirs. »

Si l’auteur défriche ainsi des terrains inhabituels, le lecteur n’y est pas totalement dépaysé. On retrouve, par exemple, dans ce roman, cette conviction que les accidents et les coïncidences peuvent régir notre destin. Et, bien sûr, cette mélancolie propre à Coe – ce sentiment d’inexorabilité lié à la fuite du temps. A quoi l’on ajoutera une coloration toute cinématographique, qui ravira les aficionados, plongés, par exemple, au c£ur du tournage de Gone to Earth, de Michael Powell. « Le début de l’histoire se situe à l’époque et dans la région où ce film a été tourné. Comme, en outre, il s’agit de l’un de mes films favoris, j’étais déterminé à inclure une scène où son tournage jouerait un rôle – il fait d’ailleurs partie de la mythologie du Shropshire. » Chassez le naturel…

La pluie, avant qu’elle tombe, éditions Gallimard, 250 pages.

J.F. PL.

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