Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

AVEC SON 3E ALBUM, THE WAR ON DRUGS MULTIPLIE LES CITATIONS, TOUT EN PLONGEANT SON AMERICANA DANS UN BAIN EXISTENTIALISTE DÉLICIEUSEMENT ADDICTIF.

The War On Drugs

« Lost in the Dream »

DISTRIBUÉ PAR SECRETLY CANADIAN.

8

On l’avoue, il est parfois compliqué d’être encore excité par un album de rock. Blasé, le scribouillard? Le doute, Monsieur le président, est permis… Du moins jusqu’à ce qu’un disque vienne rappeler qu’il n’y a pas de fatalité. Que, oui, l’étincelle est toujours possible. Elle ne doit même pas être spectaculaire. Il n’est pas impératif de ruer dans les brancards et d’allumer 36 feux pour se faire remarquer. A cet égard, que cette « révélation » soit le fait de Lost in the Dream est rassurant: le troisième album de The War on Drugs n’a pas besoin de révolutionner quoi que ce soit pour séduire, attirer, intriguer.

Flou artistique

Le précédent essai du groupe américain basé à Philadelphie avait déjà fait pas mal parler de lui. En 2011, Slave Ambient s’était retrouvé bien classé dans de nombreux récapitulatifs de fin d’année. A l’époque, la coqueluche indie Kurt Vile avait encore eu l’occasion d’y mettre (timidement) sa patte, avant de prendre définitivement la tangente pour se consacrer à ses projets solos (Smoke Ring for my Halo, Wakin’ on a Pretty Daze). Seul ou presque à la barre, Adam Granduciel pouvait goûter à la nouvelle reconnaissance de son projet, se lançant dans une longue tournée. Las, le retour sera plus rude que prévu: rupture, isolement, dépression nerveuse… Une seule solution: se relancer rapidement.

Comme son titre l’indique, Lost in the Dream est donc ce disque flou, qui sans être autiste vit sa propre vie. On l’a dit: il n’est pas outrancier, évite les effets de manche. Il ne cherche pas à se distinguer à tout prix, mais juste à imposer ses petites anomalies, ses petites excentricités. On lira tout et son contraire sur Lost in the Dream. Qu’il convoque à la fois Dylan et des échos krautrock à la Neu! Qu’il lorgne lourdement vers Springsteen tout en faisant des clins d’oeil à Spacemen 3 ou Neil Young et son Crazy Horse. Tout ça est tout à fait correct. Et c’est pour cela certainement qu’on ne s’ennuie jamais dans la vie rêvée de Granduciel.

L’album démarre par exemple avec Under The Pressure, affichant directement ses ambitions. S’étalant sur près de neuf minutes, le morceau file au trot, s’offre un pont new wave et des cuivres qui grondent (allez, on rajoute My Morning Jacket à l’équation). Impossible de ne pas embarquer. A l’autre bout du spectre, il y a The Haunting Idle, court instrumental spectral, dopé aux synthés prog, et électrisé à la guitare qui « twangue » et qui dérape, servant d’introduction à Burning, plus Tunnel of Love (Springsteen, millésimé 1987) que nature.

Tout en ne s’éloignant jamais d’une certaine idée « classique » et américaine du rock (An Ocean In Between The Waves), pondant des lignés mélodiques d’une évidence réconfortante, Granduciel parvient ainsi quasi à chaque fois à sortir un peu des rails et à brouiller les pistes. Bluffant.

EN CONCERT LE 25/05, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

LAURENT HOEBRECHTS

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