QUARANTE-CINQ ANS APRÈS MORE, BARBET SCHROEDER RETROUVAIT IBIZA ET LA MAISON FAMILIALE POUR Y PLANTER LE DÉCOR DE AMNESIA, PASSIONNANTE RÉFLEXION SUR LE PASSÉ.

More (1) – Amnesia (2)

DE BARBET SCHROEDER. AVEC MIMSY FARMER, KLAUS GRÜNBERG. 1 H 54. 1969. ED: M6VIDEO. DIST: BELGA (1) – .DE BARBET SCHROEDER. AVEC MARTHE KELLER, MAX RIEMELT. 1 H 36. 2015. ED: M6VIDEO. DIST: BELGA (2).

8 (1) – 7 (2)

« Je voulais brûler les formules. » Entamé en 1969 avec More, le parcours de Barbet Schroeder comme réalisateur est d’autant plus fascinant qu’il résiste à toute forme de formatage. Auteur, notamment, de Maîtresse, Le Mystère von Bulow, La Vierge des tueurs ou autre L’Avocat de la terreur, le cinéaste a su apposer une griffe toute personnelle sur les sujets les plus brûlants, se jouant des frontières tant cinématographiques que géographiques. La sortie conjointe en Blu-ray de More et de Amnesia, son dernier long métrage à ce jour, invite à une expérience originale, puisque les deux films partagent un même cadre, idyllique, celui de l’île d’Ibiza, revisitée à 45 ans de distance, non sans charrier les souvenirs « intimes » de Schroeder, la villa leur tenant lieu de décor principal n’étant autre que celle de sa mère, où il a passé les premières années de son adolescence.

More a gagné, avec le temps, la réputation de film culte. Pour autant, comme le souligne à raison le réalisateur dans la passionnante interview proposée en complément, il n’y pas là « le bilan d’une génération » que certains ont voulu y voir. Se déroulant aux premiers temps de l’époque hippie, le film emboîte le pas à Stefan (Klaus Grünberg), un jeune homme quittant l’Allemagne pour le soleil. Et qui, tombé raide de l’énigmatique Estelle (Mimsy Farmer) à Paris, entreprend de la rejoindre à Ibiza, horizon paradisiaque où la jeune femme l’initie bientôt à l’héroïne. C’est l’histoire éternelle d’une femme fatale, et d’une passion amoureuse appelée à se consumer que revisite ici Schroeder; une perspective tragique qu’il envisage de manière quasi clinique, retraçant les gestes de la dépendance à la drogue au son de la musique lysergique composée par Pink Floyd pour la circonstance. A quoi l’environnement, et ses couleurs, donnent quelque tour ensorcelant, le film n’étant, du reste, pas étranger au mythe d’Ibiza –« J’ai un peu honte d’avoir contribué à ce désastre », sourit le réalisateur.

More s’ouvrait dans la lumière aveuglante du soleil, en clin d’oeil à Icare, Amnesia débute pour sa part sur son somptueux coucher, en quelque forme de souverain apaisement. Résidant depuis de nombreuses années dans une villa dominant les flots, Martha (Marthe Keller) voit débarquer, un jour de 1990, Nico (Max Riemelt), un jeune Allemand venu tenter sa chance comme DJ dans la scène techno balbutiante. L’amitié qui les lie bientôt pourrait déboucher sur autre chose, elle aura aussi le don de rouvrir les blessures du passé -Martha refuse obstinément de parler allemand-, posant la question de leur délicate cicatrisation. Soit la réflexion passionnante au coeur d’un film sinueux, inspiré par la mère du cinéaste, et faisant par ailleurs limpidement écho à More. Barbet Schroeder n’a pas fini de nous étonner…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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