Mercredi, il donnera le coup d’envoi des Nuits Botanique dans un Cirqueroyal plein à craquer. Beirut a plus d’un tour dans son Zach. Et s’en explique en exclu à Focus.
Aussi fragile soit-il, le multi- instrumentiste Zach Condon, tête pensante de Beirut, est un explorateur, un aventurier, un globe-trotter. Quand il rebrousse chemin, regagne ses pénates et envoie tout balader, c’est pour se ressourcer, retrouver le sens des priorités. Quelques semaines après la sortie d’un double EP mariant marches funèbres mexicaines et vignettes électro pop, le prodige de 23 ans s’apprête à faire son Cirque Royal. Il retourne dans la cage aux lions. Celle d’une industrie qui laisse trop peu de place aux génies.
Vous aviez tout plaqué en plein milieu de votre précédente tournée. Pourquoi et comment avez-vous décidé de reprendre les affaires?
Ça m’a pris du temps d’évacuer le stress, la fatigue. Après toutes les dates que j’avais enchaînées, je me sentais épuisé, exténué. Je n’avais plus l’impression d’être guidé par la musique. Pour y reprendre pleinement goût, il fallait que je revienne avec quelque chose qui me tienne vraiment à c£ur. Je suis gêné, mal à l’aise quand je repense à toute cette histoire. Du moins à la genèse de March of theZapotec. Tout a commencé quand le réalisateur Cary Fukunaga m’a contacté pour savoir si je voulais m’occuper de la bande originale de son nouveau film. J’en ai vu quelques extraits. Il m’a fait parvenir le scénario. Et j’ai accepté le projet. Il m’a envoyé plein de musique mexicaine, histoire que je m’en inspire. Que j’y pioche l’une ou l’autre idée. Je me suis mis à composer et j’ai de plus en plus pensé à cette aventure de manière égoïste. Comme Cary voulait une musique de film, pas des chansons de Beirut, nous avons laissé tomber.
A quoi ressemblaient vos journées de travail au Mexique?
C’est la première fois que j’enregistrais loin de la maison. Ça aide à se remettre en question, à rester alerte. J’ai passé deux semaines et demie là-bas. Deux semaines et demie imbibées de mezcal. Le frère de notre guide produisait le sien juste à côté de là où nous habitions. Nous dormions en haut d’une colline et nous nous retrouvions chaque après-midi pour bosser sur les chansons. Les 17 musiciens de la fanfare Jimenez débarquaient chaque jour avec des instruments qui dépassaient de leurs voitures et de leurs motos. Nous nous installions dans une pièce sans porte et nous nous mettions à travailler. Nous enregistrions encore et encore jusqu’au coucher du soleil. Puis nous composions pour le lendemain… Je m’attendais à ce que nous improvisions davantage mais ils savaient lire et écrire la musique. Ils ont abordé les choses avec un grand sérieux. Ce sont les Zapotèques qui font tenir ce disque debout.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas sortir ce double EP sur votre label habituel 4AD?
Je ne voulais pas ressentir la moindre forme de pression. Ça peut avoir l’air con, mais bosser avec l’argent des autres est intimidant. Même quand vous entretenez de fort bonnes relations. J’ai donc voulu financer le voyage et le CD moi-même.
Le deuxième volet de cet EP, Holland, dévoile une nouvelle facette de votre travail. Elle nous présente le Zach Condon bidouilleur…
Je me doutais que j’allais surprendre pas mal de gens avec ce disque. Et je ne m’attendais pas à ce qu’il intéresse beaucoup de monde. Je le vois en fait comme une espèce de bonus. Et je ne prends pas ombrage des critiques. J’ai toujours été intéressé par l’électronique. Ado, j’étais fan des Boards of Canada. Je me suis rapidement penché sur l’IDM (Intelligent Dance Music), Aphex Twin, les débuts de Mum. Puis j’aime aussi ce qui se fait chez Kompakt. Au Mexique, on a travaillé dur. Jusqu’à la nausée. C’était facile en revenant de s’asseoir derrière un ordinateur pour composer des petites chansons pop de3 minutes.
Il paraît qu’un vieil accident vous empêche de jouer de la guitare…
J’en conserve un étrange souvenir. J’avais 14 ans. Il était tard. Il faisait noir. Je suis tombé d’un pont qui surplombait un arroyo ( ndlr: unruisseau) asséché. Une chute d’environ quatre mètres. Je me suis blessé à la main gauche et j’en ai beaucoup souffert. J’ai même dû passer sur le billard quelques années plus tard. Aujourd’hui, mon poignet gauche est un gros quart de centimètre plus petit que le droit. J’y ai laissé un peu de mobilité et j’ai mal quand je dois manipuler un manche de guitare. Je n’en nourris pas vraiment de regrets. Cet accident a contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui.
Une star au Brésil?
Je vois ce dont vous voulez parler. Un réalisateur a voulu utiliser un de mes morceaux ( Elephant Gun) comme générique de son feuilleton ( Capitu). Dans la foulée, mon manager et moi avons reçu des tonnes et des tonnes de mails enthousiastes.
Vous avez enregistré un album balkanique de mariage. De la musique d’enterrement mexicaine. Qu’est-ce qui nous attend désormais? Des chansons de baptême africaines?
Je ne sais pas encore vraiment vers quoi je me dirige. Il existe un lien, un trait d’union entre ces différents styles. Ces musiques accompagnent des événements traditionnels qui excitent les gens, qui les réunissent dans la joie ou dans la douleur. Nous y prêtons d’autant plus attention. Elles prennent encore une autre dimension. Se drapent d’une autre signification. J’associe pratiquement tous les événements émaillant ma vie à de la musique, des albums et des chansons. l
www.myspace.com/beruit
En concert (sold out) au Cirque royal le 6/5 dans
le cadre des Nuits Botanique.
March of the Zapotec/ Realpeople: Holland, chez
Pompeii Records/Forte.
The Flying Club Cup, chez 4AD.
Entretien Julien Broquet
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