LE CHORÉGRAPHE BELGO-MAROCAIN SIDI LARBI CHERKAOUI REND UN HOMMAGE AU DESSINATEUR DE MANGAS OSAMU TEZUKA. RENCONTRE EN IMAGES…

Une danse-animée nippone, entre le souffle traditionnel et un mouvement contemporain, une musique mixte, des mangas en écran vidéo ( Astro Boy, Black Jack, Phénix, Bouddha, MW), 11 danseurs, 3 musiciens et un calligraphe… TeZuka, la nouvelle chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui est un documentaire-hommage au « dieu du manga », Osamu Tezuka (1928-1989). Un hommage pris dans la tourmente de Fukushima. Comme dans ses précédents spectacles ( Sutra, Babel, Myth, Foi, Apocrifu…), l’artiste infiltre son questionnement spirituel sur la condition humaine en prise avec ses actions, la violence, le rejet, la réconciliation… Curieux bonhomme, d’une gentillesse « transcendantale », qu’on pourrait esquisser ici dans un dessin mêlant Kung-fu et Bouddhisme. Dévoilé sur la scène du célèbre Sadler’s Wells de Londres, son TeZuka est au Singel d’Anvers jusqu’au 8 octobre. L’occasion d’une longue rencontre « cosmique » avec l’artiste, autour d’un jus de citron corsé et de quelques images à réaction.

MANGA

J’ai grandi avec les mangas et les dessins animés japonais qui passaient sur les chaînes françaises. J’ai l’impression que ma manière de penser la morale a été en partie influencée par ces dessins animés où il y a un rapport nuancé au bien et au mal, où il est clair que le vrai propos est celui de la réconciliation. D’ailleurs, ce combat m’a aidé à apaiser le déchirement de mes propres origines (mi-marocain, mi-belge). Depuis longtemps, j’avais envie de créer à partir de l’£uvre de Tezuka. Plus que des héros, il crée des personnages de réconciliation, mettant dans son univers Astro Boy (facilement adorable) et Black Jack, un docteur obscur. Pour un créateur, il va au-delà de la morale facile. Il réussit l’empathie. J’ai voulu partager son univers avec le public. J’ai travaillé 3 ans sur cette création, sur les pas de Tezuka. J’ai voulu rendre un hommage à ce dieu du manga. On a donc imaginé un spectacle entre le documentaire et la danse…

ANVERS

J’ai grandi en aimant cette ville. J’adore New York, mais j’y suis en touriste. Ici, je peux dire: « Je suis anversois » , même si je suis détaché de ces notions d’appartenance à des Etats-frontières. Je préfère parler de communauté vivant dans un environnement défini par ses paysages, sa culture, son rapport à la nature. D’où mon amour profond pour le Japon, un peuple qui respecte la nature et se reconstruit sans haine quand celle-ci se déchaîne. En Europe, on voudrait presque une télécommande pour changer le temps. Il y a ce respect qui me touche dont j’ai eu envie de parler dans TeZuka.

DANSE

Chez Tezuka, les dessins sont très fluides et les images très cadrées. On a d’abord créé des jeux de cadrage dynamiques dans lesquels j’ai ancré la danse. Pour faire passer en mouvement l’£uvre de Tezuka, j’ai demandé à un vidéaste de faire danser les images en vidéo, les onomatopées et les personnages de mangas. La chorégraphie est très large, elle englobe l’écran. La danse circule sans distinction entre des mouvements des arts martiaux, de la danse « contemporaine » et de « tutting », une « street dance », plus carrée, donnant l’effet de mouvements robotiques, genre Tetris. La composition musicale est très spirituelle et rituelle, entre un son traditionnel asiatique et des sonorités pop, voire techno. En fait, à travers des fragments différents, on voyage dans l’£uvre et la bio de Tezuka mais aussi dans les m£urs, la science, l’humanité et le nucléaire comme figure tantôt héroïque, tantôt criminelle.

FUKUSHIMA

En mars 2011, on répétait à Tokyo quand a eu lieu le tremblement de terre. La moitié de mon équipe est asiatique, l’autre européenne, à qui on a demandé de retourner en Europe. Soudain mon hommage à Tezuka est devenu une lutte. L’équipe s’est séparée. Je suis resté au Japon. Quand tout s’est calmé, j’ai exigé de revenir travailler à Tokyo pour réconcilier tout ça. Fukushima a tout changé. TeZuka s’est imprégné de Fukushima, de l’irradiation menaçante, dans une forme de science-fiction sur les réalités que nous vivions.

BANKSY

J’adore les graffitis de Banksy, un artiste anglais qui crée des portes ouvertes là où c’était impossible. Le graffiti comme le manga est un art souvent incompris. J’imagine un travail chorégraphique avec ses graffitis. En fait pour 2012, je retravaille sur End , une chorégraphie de 2006, en écho au conflit israélo-libanais. Cette fois-ci, je pense la re-titrer Out-Cast avec l’idée du « out » mêlée au « cast ». J’imagine un mur (comme celui imposé à la Palestine), avec les images de Banksy. C’est encore à l’état de projet. l

TEZUKA, JUSQU’AU 08/10 À 20 H (DIMANCHE 02/10 À 16H) AU SINGEL À ANVERS. WWW.DESINGEL.BE

RENCONTRE NURTEN AKA

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