PHILIPPE LOMBARD A ÉTUDIÉ LES RAPPORTS (SOUVENT FRUSTRANTS) ENTRE TINTIN, HERGÉ ET LE CINÉMA. IL POSE UN REGARD AFFÛTÉ SUR UNE QUÊTE ENFIN MENÉE À BIEN.

Il a fait le tour de la question. Tintinophile averti, passionné de l’univers de Hergé, Philippe Lombard n’a pas attendu l’annonce du film de Spielberg pour entreprendre un livre consacré aux rapports du créateur belge et de son héros avec le 7e art. Il y travaillait déjà voici plus d’une dizaine d’années, même si la perspective spielbergienne n’a pas manqué d’offrir à son très intéressant bouquin une actualité bienvenue. Le journaliste français, auteur de plusieurs ouvrages et bloggeur patenté (1), se souvient d’avoir souhaité, dans les années 80, que le premier projet d’adaptation de Tintin par le réalisateur d’ E.T. ne se fasse pas…  » Ce que j’en avais entendu m’inquiétait, me faisait penser qu’on allait dénaturer tant l’£uvre que le personnage« , confie un Lombard qui n’était pas, dans les années 80,  » particulièrement en manque d’une version hollywoodienne de Tintin, surtout réalisée par quelqu’un qui venait à peine de découvrir Hergé, et n’avait dont pas grandi avec…  »  » Peter Jackson, au contraire, a aimé Tintin depuis son enfance« , poursuit le journaliste, pour lequel la présence du cinéaste néo-zélandais à bord de la nouvelle adaptation est un gage de confiance, s’ajoutant au fait que  » Spielberg a très probablement eu le temps de digérer l’£uvre de Hergé pour ne pas la trahir, lui qui disait jadis de son Tintin qu’il serait « un Indiana Jones pour les kids ».

Lombard s’inscrit en faux contre l’idée, très répandue, que la principale pierre d’achoppement à laquelle se sont heurtées les tentatives précédentes soit la difficulté à trouver le bon interprète pour jouer Tintin.  » Même s’il y a du réalisme dans la bande dessinée, on est quand même dans un monde légèrement décalé. Et si je sais bien que la difficulté de trouver un acteur qui fasse un Tintin crédible a dissuadé plus d’un réalisateur, je persiste à penser que c’est une erreur. Quand je vois Jean-Pierre Talbot (2), je suis ravi! Ce n’est pas une question de réalisme, c’est un faux problème puisque le décalage inhérent au travail d’Hergé autorise des libertés… qu’on n’a pas osé prendre. » Le vrai handicap des films avec interprètes réels consacrés à Tintin dans les années 60, c’était  » l’absence de moyens suffisants pour restituer la richesse des albums, la multiplicité des lieux, des décors, l’ampleur de certaines scènes clés. Parce que ce qui compte vraiment, au fond, ce n’est pas le personnage lui-même, mais tout ce qui tourne autour, et qui sans cesse avance…  »

Influences

 » Hergé aimait le cinéma, mais s’il utilise certaines techniques cinématographiques dans sa bande dessinée, c’est un peu malgré lui, je crois, par une imprégnation qui s’est ajoutée à son sens naturel du récit, à sa caméra-crayon, si on peut dire. » Philippe Lombard raconte que, lors d’une émission de télévision,  » Yves Robert commentait pour lui une planche de Tintin et les Picaros en relevant tous les types de plans de cinéma qu’il y avait repérés. Hergé était émerveillé, et il disait « Ah bon? Je ne savais pas que j’avais fait tout ça! » L’influence du créateur belge sur certains cinéastes fut bien plus consciente, chez des admirateurs comme Alain Resnais (qui louait « l’économie du trait » chez Hergé) ou Philippe de Broca. Si Lombard ne regrette en rien que le premier nommé n’ait jamais pu concrétiser ses projets d’adaptation ( » son approche hyper intellectuelle, cérébrale, n’aurait pas convenu« ), il ne tarit pas d’éloges sur la manière dont le second instilla dans L’Homme de Rio plus d’une référence à l’univers de Tintin.  » Il avait compris que cela doit bouger tout le temps, que ce type de récit d’aventure avance sans cesse. Le rythme de son film, plus encore que l’anecdote, est dans la ligne du travail d’Hergé. » Une ligne dont Patrice Lecomte, autre admirateur fervent, a pu dire qu’elle était  » l’école de la rigueur« .

(1) HTTP://QUANTUMOFBOND.BLOGSPOT.COM/

(2) INTERPRÈTE (BELGE) DE TINTIN DANS TINTIN ET LE MYSTÈRE DE LA TOISON D’OR (1961) ET TINTIN ET LES ORANGES BLEUES (1964), LES SEULS FILMS DE CET ENSEIGNANT DE PROFESSION. ( LIRE SON TÉMOIGNAGE PAGE 12-13).

TEXTE LOUIS DANVERS

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