CHRISTIAN DE METTER ADAPTE EN BD LE PRIX GONCOURT DE PIERRE LEMAÎTRE, AU REVOIR LÀ-HAUT. UN TRAVAIL À QUATRE MAINS À LA HAUTEUR DU MODÈLE, ÉCLAIRANT SUR LE PASSAGE DÉLICAT DU VERBE À L’IMAGE.

En soi, c’est déjà un exploit: Christian De Metter, spécialiste du genre (lire par ailleurs), a bouclé en un temps record, et surtout avant le film réalisé par Albert Dupontel, l’adaptation en bande dessinée du fantastique roman de Pierre Lemaître et prix Goncourt 2013, Au revoir là-haut (disponible au Livre de poche), une tragédie menée comme un polar dans la France de l’après Première Guerre mondiale. Soit 567 pages devenues 155 planches, mais qui n’ont rien perdu de leur force ou de leur intérêt: cet Au revoir-là s’adresse autant au demi-million d’acheteurs qui ont aimé le livre qu’à ceux qui ne l’auraient pas encore lu, mais qui voudront le faire ensuite. Un bel exemple, relativement rare, d’adaptation réussie et surtout réalisée avec l’auteur originel, particulièrement impliqué. « J’aime changer de medium, confirme l’écrivain Pierre Lemaître, qui assure la promo de son adaptation, main dans la main avec le dessinateur. J’ai enregistré moi-même la version audio du livre, j’ai participé en partie au film que réalisera Albert Dupontel, et j’avais envie de voir ce que cela donnait en BD, avec une seule contrainte: je voulais participer directement au scénario, en compagnie de quelqu’un qui en possède les codes. Je n’écris pas pour être adapté, mais ma manière d’écrire est visuelle; je décris des images mentales. Ma propre mécanique de narration fait qu’il s’agit déjà d’images encapsulées. Et comme le disait Raymond Chandler, il y a ceux qui écrivent des histoires et ceux qui écrivent des écrits. Je suis résolument du côté des histoires. »

Adapter, pas dénaturer

Christian De Metter ne dit pas autre chose: « Moi, je porte des histoires en images, peu importe leur origine, du moment que l’histoire est bonne et que je peux être en empathie avec les personnages. Ici, nous nous sommes immédiatement compris avec Pierre: j’ai vu tout de suite où étaient les difficultés -entre autres dans la « gueule cassée » et désormais figée du personnage principal- et les libertés qu’il y avait lieu de prendre. Le personnage de Dupré par exemple n’existe pas tel quel dans le roman: il est ici beaucoup plus froid, plus cynique, mais ça s’est imposé naturellement. » Pierre Lemaître opine: « Christian a fait un travail formidable pour transformer de longs monologues en silence, ou passer par l’attitude des corps pour éclairer la psychologie des personnages. Péricourt par exemple, je ne l’imaginais pas comme ça, mais il fallait d’abord le montrer solide pour comprendre qu’il faiblit par la suite. Idem sur le final, sensiblement différent et plus « visuel » dans cette adaptation qu’à l’origine, mais sans en dénaturer le sens. C’était le plus important. » Au sortir de cette expérience, Pierre Lemaître partage-t-il encore l’avis de l’acteur Philippe Torreton, qui préface cet album et qui y estime que la BD « tire un trait sur l’imaginaire« ? « Oui, de fait on impose une vision des choses, mais qui correspond à mes intentions de départ. Chaque medium a sa force. Et le dessin reste dans l’évocation plus que dans le réalisme, surtout ici avec une large part d’onirisme. Le cinéma, de ce point de vue, m’angoisse un petit peu plus. »

RENCONTRE Olivier Van Vaerenbergh

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