Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Contrariant son rythme nocturne naturel, le chanteur algérien Rachid Taha nous dit Bonjour dans un disque qui convoque Gaëtan Roussel, l’Américain Mark Plati et son orientalisme naturel.

nnemi proverbial du rasoir, les cheveux en pétrin, le regard traduisant la soirée de la veille: si Arno était né à Oran, cela aurait pu donner un Rachid Taha. « Sauf qu’Arno a toujours du mal à s’engager sur les idées politiques, moi pas », précise l’anti-langue de bois. Plus jeune que l’Ostendais – est né en septembre 1958 -, Taha a déjà plusieurs vies derrière lui. La première, celle en Algérie, se termine quand il déménage avec sa famille dans la France de 1968, en Alsace . La seconde partie, publique, bourlingue dès le début des années 80, avec le groupe Carte de Séjour formé à Lyon en pleine période Touche pas à mon pote et mitterrandisme. Le très groovy CdS cartonne inopinément avec une reprise arabisante de Douce France, vieille scie écrite en 1943 par Charles Trénet.  » Un vieux con, raciste en plus… » La troisième partie, la carrière solo, s’ouvre en 1991. Depuis lors: 8 disques studios et diverses rencontres avec le public. Celle du tube Ya Rayah, reprise d’un classique de chaâbi et puis, l’énorme impact d’ 1,2,3 Soleils, succès partagé avec les raïeurs rieurs Khaled et Faudel en 1999. Au-delà des hits qui arrivent ou pas, Taha s’est construit une vraie carrière internationale, ramenant ses amours arabes -chaâbi, raï, répertoire égyptien – dans le giron d’un électro-rock qui a digéré Clash et Oum Kalsoum.  » Il y a quelques jours, Mick Jones est venu jouer avec moi à Marseille, tout un concert, on a repris Should I Stay Or Should I Go, c’était grand. »

Grand écart

Au fil des années, Taha s’est bâti une famille où l’on compte aussi Brian Eno et Robert Plant, grands consommateurs de musiques arabes:  » En moi, ils voient l’Andalousie et ce moment d’histoire où juifs, chrétiens et musulmans cohabitaient. » Visiblement, Gaëtan Roussel (Louise Attaque) n’est pas loin du panthéon après le travail organique et précis réalisé sur Bonjour. Le morceau, qui résonne comme un coup de lavande fraîche après la nicotine et le champagne de la veille, est déjà un tube radio. Roussel a partagé son savoir avec le New-Yorkais Mark Plati (aperçu chez Bowie) sur l’album du même nom, 10 titres où Rachid pratique avec une élégance personnelle ce grand écart entre rock et orientalismes. Dans Sélu, il remercie quelques-uns de ses héros, Blond-Blond, El Camaron, Youssef Chahine ou l’Egyptienne Oum Kalsoum:  » Elle est comme la Joconde, tous les arabes finissent par la visiter (rires) . Quand elle est venue jouer à l’Olympia en 1967, La Callas a débarqué en disant: « C’est la plus grande chanteuse du monde, c’est ma s£ur ». » Un moment, Rachid a rêvé de travailler avec les mythiques producteurs du Caire, mais ils sont tous morts, un peu comme l’idée du panarabisme d’ailleurs:  » Je ne joue pas beaucoup dans les pays arabes, simplement parce que l’infrastructure pour le rock y est limitée, voire inexistante. La musique arabe moderne, c’est moi! » C’est celui qui le dit, qui l’est.

En concert le 12 février 2010 à l’Ancienne Belgique, www.abconcerts.be, CD Bonjour chez Universal le 26 octobre.

Voir aussi notre dossier en page 8.

Philippe Cornet

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