Après sept ans de silence, Rage a relancé la machine, l’année dernière, au festival de Coachella. Zoom sur un vrai groupe engagé avant son concert au Sportpaleis d’Anvers.

Si, depuis le début des années 90, un groupe est parvenu à allier engagement radical, succès commercial et innovation artistique, c’est bien Rage Against the Machine (RATM). Punk, rap, métal… Rage a été le premier à fondre toutes les musiques de la contestation. Selon Tom Morello, la machine contre laquelle il déverse sa rage, ses riffs et sa bile, c’est la mondialisation, le néolibéralisme, le racisme, l’élitisme, l’indifférence… L’histoire du groupe n’est que lutte. Morello passe son adolescence à Libertyville, dans la région de Chicago. Son père kenyan a combattu au sein du mouvement anticolonialiste Mau Mau. Sa mère s’est impliquée dans le mouvement antiségrégationniste pour les droits civiques dans les années 60. Elle sera cofondatrice, au début des années 90, de Parents for rock and rap, un collectif opposé à toute censure gouvernementale. Avec Zack de la Rocha, Morello, profondément marqué par The Clash, veut réussir là où la protest song et le punk rock ont échoué. Il veut dénoncer le système américain, changer les consciences et du même coup, la société.

Premier album du groupe, Rage Against the Machine (1992) adresse une fameuse claque au monde et à ses injustices. RATM dénonce le système capitaliste et la complaisance des médias à travers Bombtrack, l’emprise de la religion sur la politique avec Take the power back. Il pointe méchamment du doigt la guerre du Golfe et compare même l’armée américaine aux troupes nazies dans Bullet in the head.  » Compromission, conformisme, assimilation, soumission, ignorance, hypocrisie, brutalité, élite. Tous sont des rêves américains« , chante de la Rocha sur Know your enemy. Rage cite Che Guevara, Malcolm X et Martin Luther King. La photo d’un moine bouddhiste s’immolant pour protester contre les exactions du régime dictatorial sud-vietnamien soutenu par les Etats-Unis sert de pochette au disque. La renommée du gang californien prend encore de l’ampleur à Philadelphie en 1993. Pour protester contre la censure, RATM annule l’un de ses concerts mais monte tout de même sur scène où il reste complètement nu et muet pendant un gros quart d’heure. En décembre de la même année, à travers le clip de Freedom, il soutient Léonard Peltier, militant amérindien incarcéré depuis 1976 et condamné à deux peines à perpétuité. Un homme qu’Amnesty International considère comme prisonnier politique et dont l’organisation réclame la libération immédiate et sans condition.

LE GESTE à LA PAROLE

Lors de leurs concerts, Morello et consorts prennent l’habitude de lancer des polémiques sur des sujets d’actualité. Ils soutiennent des associations antivivisection, les paysans du Chiapas. Ils rencontrent les préoccupations des jeunes et ramènent au rock un public qui s’en était éloigné pour le rap. D’autant que Rage joint le geste à la parole. Il aide financièrement des écoles et des centres de documentation dans les quartiers défavorisés de Los Angeles. Il brûle le drapeau américain sur scène pendant Killing in the name lors d’un set à Wood- stock. Les années passent sans que le propos se dilue. Evil Empire, le titre de son deuxième album, fait écho à une expression utilisée par Ronald Reagan pour qualifier le bloc de l’est. Sa pochette représente un jeune homme dans le style des images propagandistes de l’ex-URSS. Un jeune homme déguisé en super héros rappelant ainsi Superman ou d’autres stars de comics américains. Influencé par 1984 de George Orwell, Battle of Los Angeles arbore lui le graffiti d’un homme levant le poing pour symboliser la lutte et l’engagement. En 2000, lors de ce qui doit rester, pour quelques années, l’un de ses derniers faits d’armes, Rage s’en va donner un concert devant Wall Street et les caméras de Michael Moore. La légende veut que la Bourse ait dû fermer ses portes en plein milieu de la journée, ce qui n’était plus arrivé depuis le krach de 1929. Le site officiel de Rage et son forum de discussion ont par ailleurs été surveillés par la CIA après que le groupe a accusé les Etats-Unis d’être responsables de violences similaires aux attentats du 11 septembre 2001. Quand Rage enrage…

En concert le 2/06 au Sportpaleis d’Anvers. www.ratm.com

TEXTE JULIEN BROQUET

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