Queue de poisson

Queue de poisson est la quatrième exposition que Jean Marchetti consacre à l’oeuvre de l’aquatintiste belge Thierry Mortiaux (1973, Namur). Avec une grande régularité: tous les trois ans, une nouvelle production voit le jour ou plutôt sort de l’eau si l’on en croit le titre. Plus qu’aux fonds marins et à leurs peuplades muettes, l’intitulé, au regard des estampes présentées, une bonne trentaine au total, nous fait penser à ces comptines enfantines qui procèdent par glissements.  » J’en ai marre, marabout, bout de ficelle…« : la ritournelle se grave dans l’esprit devant ces eaux-fortes dont les univers fantasques et imprévisibles emmènent du côté du cadavre exquis visuel. Bien sûr, il y a des fils rouges, comme on dit « poissons rouges », que l’on identifie aisément: la femme, souvent présentée sous les traits d’une virago menaçante, la nudité, le sexe masculin s’improvisant tentacule, des personnages qui semblent entretenir des liens de parenté entre eux… Un peu bêtement, on aura vite fait de convoquer Ensor, Rops ou même Jérôme Bosch. C’est une erreur car Thierry Mortiaux déroule la ficelle d’un monde qui lui est propre et dont il est le seul à posséder les clés tordues – » L’inconscient est structuré comme un langage« , écrivait Lacan, on notera que le graveur en parle sept. On y pénètre de façon jubilatoire, se délectant des textures habiles qui, si l’on en croit le galeriste, incombent à l’usage du vernis mou. Il y a aussi l’agencement des personnages, grands et petits, qui confère un aspect de collage disparate à l’ensemble. Au jardin donne la tonalité de ces enchevêtrements, entre un chien boudiné qui traîne sa mélancolie à ras du sol et un personnage caressant la crinière d’une femme qui elle-même promène ses doigts dans les cheveux d’un homme à la chevelure docile. À ne pas rater non plus, les éditions La Pierre d’Alun ont demandé à Mortiaux d’illustrer un ouvrage qui revient sur la figure de l’écrivain Jean Ray. Bien vu, voilà deux imaginaires qui cheminent main dans la main… Pourtant à quelques décennies l’un de l’autre.

Thierry Mortiaux, Le Salon d’Art, 81 rue de l’Hôtel des Monnaies, à 1060 Bruxelles. Jusqu’au 13/07.

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www.lesalondart.be

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