Que le Diable m’emporte

À Butte (Montana), ville où le désoeuvrement englue les esprits et où les jeunes filles fanent, Mary MacLane ronge son frein en entamant ce qu’elle décrit comme un  » portrait aussi franc et complet que possible de moi-même« . À l’orée du XXe siècle, la diariste de 19 ans entend nimber son époque de son aura de génie et de son  » intensité vitale totalement inhabituelle« . Impétueuse mais pétrie d’amertume, captivante mais foncièrement égotiste, cette admiratrice de Napoléon (dont elle s’imagine l’alter ego, hélas entravée par sa condition de femme) entraîne ses lecteurs dans trois mois  » de Néant » où elle détaille ses aspirations et ses dégoûts vivaces. Elle n’envisage de salut que dans un mariage avec le Diable ( » De l’insipide vin sucré; des hommes à moustache; du genre d’individus qui appellent les jambes des »membres »; des jupons blancs dépenaillés: Doux Diable, délivre-moi. »). Se languit de la  » dame anémone« , sa professeure de lycée, qui a, semble-t-il, encouragé sa vocation littéraire… Au printemps 1902, une éditrice américaine prendra le pari de publier cet objet fomenté par l’esprit d’une post-adolescente vorace de reconnaissance et de bonheur: 100 000 copies agitent les lectrices d’alors, qui s’entichent de cette figure féministe indomptée. Confession précoce et coup de poker effronté jeté à la face de ses contemporains, The Story of Mary MacLane est aujourd’hui retraduit. Parions que grâce à cette nouvelle version et une préface éclairante d’Hélène Frappat, bien des pétroleuses francophones d’aujourd’hui en feront aussi une alliée de choix.

De Mary MacLane, éditions du Sous-Sol, traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Frappat, 192 pages.

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