Un bond dans les temps – Un peu moins de mythe, toujours plus d’action, le 007 de Quantum of Solace est clairement un héros de son temps, mu par des motivations toutes personnelles dans son combat contre le Mal.

De Marc Forster. Avec Daniel Craig, Olga Kurylenko, Mathieu Amalric. 1 h 46. Sortie: 05/11.

Un nouveau visage en même temps qu’une remontée aux origines de la série: sorti il y a deux ans, Casino Royale remettait, pour ainsi dire, les compteurs bondiens à (double) zéro, capitalisant certes sur le mythe, mais actualisant aussi sensiblement ce dernier, au prix d’une approche combinant violence crue et ancrage dans la réalité. Le résultat ne se faisait point attendre, James Bond new look se piquant d’en remontrer à ses contemporains façon Jason Bourne. Enoncé en toute fin d’aventure, l’emblématique My Name is Bond. James Bond tenait d’ailleurs autant de l’avertissement que de la signature.

Il n’était donc que logique de voir Quantum of Solace, 22e film de la série, s’inscrire dans la lignée de son prédécesseur. Au point d’en être la suite directe, le combat de Bond étant ouvertement sous-tendu par sa volonté de venger Vesper Lynd, amour sacrifiée pour lui au terme de Casino Royale.

Greene, expert en déstabilisation

007 (Daniel Craig, qui d’autre désormais?), on le découvre cette fois pied au plancher, dévalant une route de montagne au volant de son Aston Martin poursuivie par une Alfa Romeo; un pré-générique en forme de matrice de l’aventure à suivre, menée tambour battant. Cherchant à identifier les personnes ayant poussé Vesper à la mort, Bond se trouve bientôt aux prises avec une nébuleuse aux ramifications multiples, à la tête de laquelle trône l’énigmatique Dominic Greene (Mathieu Amalric, impérial comme de coutume).

Sous couvert de veiller à la sauvegarde de la planète, ce dernier se révèle expert en déstabilisation de gouvernements fragiles au profit de plus puissants et à son propre bénéfice, fomentant pour l’heure une opération de grande envergure en Bolivie. A cette pers-pective générale, reposant sur un contexte géopolitique flou –  » si on refuse de traiter avec des vilains, nous n’aurons bientôt plus d’interlocuteurs« , observe un officiel britannique – et en prise sur l’époque, le film en superpose une autre, personnelle: c’est la vengeance qui semble ici avant tout motiver Bond. Un Bond qui tente obstinément de maintenir son cap dans un labyrinthe de trahisons et de meurtres, soutenu du bout des lèvres par M, et trouvant parfois des allié(e)s de circonstance – ainsi de la ravissante Camille (Olga Kurylenko, digne représentante de la nouvelle génération de Bond Girls).

Bond reprofilé

Son centre de gravité déplacé de la sorte, Quantum of Solace s’avère un film d’action à l’efficacité éprouvée, de son scénario millimétré (et resserré sur un peu plus de 1 h 40) aux scènes trépidantes qu’enchaîne Marc Forster sans le moindre temps mort. Avec, au passage, quelques moments d’anthologie, comme une scène de poursuite en avion absolument formidable; ou, sur un mode plus posé, un modèle d’infiltration dans le cadre prestigieux de l’opéra de Bregenz.

Première suite de la série, Quantum of Solace poursuit aussi le travail de dépouillement du mythe entamé avec Casino Royale. Une mythologie qui se trouve, ici, réduite à fort peu de choses: une recette de Dry Martini par-ci (encore est-elle énoncée par un barman sans la nommer, devant un Bond indifférent), un clin d’£il magistral à Goldfinger par-là, et en voilà, peu ou prou, pour les références et citations. A quoi l’on ajoutera un cadre familier, entre un pré-générique calibré et un exotisme revendiqué qui sont aussi les marques de fabrique de la série. Pour le reste, Bond semble en avoir terminé ici de sa mue en héros de film d’action de son temps. Armé pour d’autres missions, sans nul doute, et plus redoutable que jamais, vraisemblablement. Mais dénué, pour bonne part, de cet esprit et de cette fantaisie qui faisaient le charme de ses prédécesseurs. L’époque est plus à l’effica-

cité qu’aux frivoli-

tés, il est vrai.

u www.quantumofsolace-lefilm.fr/

Texte Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content