Prose combat

Moor Mother et les free-jazzmen d’Irreversible Entanglements lancent un fiévreux appel à l’action. Tomorrow is the question!

Quelques jours seulement après la sortie de We Are Sent Here By History, méditation sur l’effondrement de nos sociétés signée par le saxophoniste anglais Shabaka Hutchings et ses redoutables Ancestors, c’est un nouveau disque de jazz fameux, brûlant et visionnaire, que balance Irreversible Entanglements depuis les États-Unis. Assez folle coïncidence, son titre ( Who Sent You?) pose la question à laquelle celui de son grand frère répond. Conversation subliminale transatlantique dans un monde en plein chaos. Disques charnières. Reflets radicaux et free d’une société au bord de l’implosion.

L’engagement virulent, la poésie contestataire et le discours politique révolutionnaire coulent dans les veines d’Irreversible Entanglements. Le collectif est né en 2015 lors d’un événement caritatif contre les brutalités policières suite à la mort d’Akai Gurley, un Afro-Américain innocent, un coup de feu « accidentel »… L’Oncle Sam a toujours eu un problème avec ses enfants de couleur. Le groupe est aussi, surtout, emmené par la déterminée Moor Mother. Élevée dans une petite ville du Maryland, Camae Ayewa (son vrai nom) s’est installée à Philadelphie pour étudier la photographie. Très vite, elle s’est immergée dans la scène underground et a lancé une série de concerts pour pallier le manque de visibilité de musiciens marginalisés: femmes, personnes de couleur, communauté LGBT. Elle a aussi mis sur pied des workshops afrofuturistes avec les enfants d’un quartier défavorisé. Irreversible Entanglements est la déclinaison free jazz de la lutte. Les lignes de basse de Luke Stewart, les cuivres d’Aquiles Navarro, le saxophone de Keir Neuringer et les tambours de Tcheser Holmes offrent un écrin accidenté à la prose combat d’Ayewa.

Prose combat

Poème sur l’exil, improvisation de 23 minutes, sorti l’an dernier, Homeless/Global était issu des premières sessions d’enregistrement de l’album. Le poing levé, ne rien lâcher. Les cinq morceaux de Who Sent You? suintent l’urgence. « Ça suffit. Nous ne leur permettrons plus de diviser et de conquérir, de diviser et d’oppresser. De définir notre humanité », clame Moor Mother sur No más. Le clip qui l’accompagne, un conte futuriste réalisé à Johannesbourg par Imani Nikyah Dennison, montre des Africains en quête de libération qui fuient la planète Terre.

« Here comes the end. Here comes the end. » Pas besoin d’un dessin, le message est clair. Il égratigne l’église. « The pope must be drunk! Stumbling through the streets, spitting out ‘Hail Mary’. The pope must be drunk, eyes closed, nose in the air. Not saying nothin’, not doin’ nothin. Just stumbling in the street. Mumbling, mumbling, spitting. Manufacturing god in his own image. Feeding the flesh of lies to little boys. » ( Blues Ideology) « At what point do we give a shit? Do we stand up and say something? », questionne Ayewa. La réponse tombera peut-être avec la fin du confinement…

Irreversible Entanglements

« Who Sent You? »

Distribué par International Anthem/V2.

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