Prière pour les voyageurs

 » Laissez-moi vous parler des gens du désert. » La phrase, lapidaire, constitue l’intégralité du chapitre 1 de cette forme de road-movie féminin, fiché dans la poisseuse âpreté de bourgades miséreuses. Cale, bâtarde maigrelette aux origines floues, y a poussé sous la bienveillante attention de vieillards bourrus, son rugueux grand-père en tête -qui l’a recueillie après avoir perdu, coup sur coup, femme et fille. Translucide écolière d’un bahut où les Hispaniques tiennent le haut du pavé, elle est tombée gamine sous le charme de la belle gosse de la bande, Penny, capiteuse effrontée dont la seule présence fait dangereusement vriller esprits comme hormones. Penny, dont Cale finira par devenir la collègue dans un diner du cru, en un Nevada qui n’alloue aux femmes que trois carrières -serveuse, strip-teaseuse, trafiquante. Penny, enfin, qui après un épisode violent les ayant réunies dans le rôle de victimes, vient de disparaître, et dont Cale se met à suivre désespérément la trace. Ici, le chapitre 1 ne surgit qu’à la page 180, tant la structure narrative du texte résiste au simple déroulement chronologique -coquetterie apparente consistant à brouiller l’ordre des blocs de texte, pour mieux ménager les effets de script. Servi par une écriture aux métaphores inédites, aux observations cliniques et au rythme parfaitement maîtrisé, ce premier roman traite de sororité, voire de solidarité intergénérationnelle en un terrain où on ne les espérait plus, avec une efficacité proprement bluffante.

De Ruchika Tomar, éditions La Croisée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Barbaste, 416 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content