Dès le 5 juillet prochain, France 2 se fend d’une salve décapante de téléfilms noirs. Au menu, quelques belles tranches de mort, savoureuses et saignantes, pour frissonner, d’angoisse comme de plaisir, tout l’été… Genèse.

Le polar se porte bien, merci pour lui. Omniprésent à la télévision avec une avalanche de séries US, de retour en grâce en littérature et au cinéma (voir, exemple entre mille, le récent succès de Millenium), bien représenté en BD, le genre essaime également sur les petits écrans francophones via des productions du cru. Pour le meilleur… et bien souvent pour le pire d’ailleurs, vu, notamment, la fâcheuse tendance hexagonale à fantasmer des fictions « à l’américaine » avec un savoir-faire et des moyens « à la française ». Certains, ceci dit, ont de la suite dans les idées. Ainsi de France 2, qui avance pour l’été une passionnante… Suite Noire. Soit une collection de téléfilms qui, comme son nom l’indique, plonge ses racines policières dans le terreau fécond du roman noir, et dont la genèse s’appréhende comme on remonte le cours d’un fleuve, forcément sombre et tortueux.

Explications en compagnie du producteur Alain Guesnier:  » Il y a trois ans, je produisais le film de Robin Renucci, Sempre vivu! , et il se trouve qu’on fait appel à mon ami Jean-Bernard Pouy, créateur du Poulpe , pour visser le scénario avant le tournage. On se voit donc à ce moment où les éditions Baleine (dont Pouy est l’un des fondateurs, NdlR) viennent de se casser la gueule et ont été reprises par Le Seuil, et je lui dis, comme ça, que s’il a une idée de nouvelle collection je suis prêt à monter une maison d’édition. Alors Jean-Bernard, qui est très fédérateur, revient me voir un peu plus tard et me dit: « Voilà. La Série Noire de Gallimard (1) s’arrête. J’ai appelé tous mes potes qui y ont été édités et ils sont prêts à collaborer sur un truc qui s’appellerait Suite Noire. » L’idée, m’explique-t-il, étant de reprendre la couverture cartonnée de la Série Noire et de lui rendre hommage sous la forme de romans courts, de novellas , d’une centaine de pages dont les titres seraient des clins d’£il à ceux des livres de la collection. J’ai été tout de suite emballé. Alors la première chose que l’on a faite, c’est d’aller voir Antoine Gallimard pour savoir s’il était d’accord. »

Non seulement ce dernier se montre d’accord, mais il se pique encore de distribuer la chose. L’affaire est lancée. Mais ce n’est pas tout, puisque Guesnier, producteur avant tout, a déjà en tête l’idée de monter, à partir des livres, une collection de films de 60 minutes pour la télévision:  » Une collection de films d’auteurs à qui on donne carte blanche: s’ils ont un coup de c£ur pour un livre, ils l’adaptent, et avec qui ils veulent. Rien ne doit être formaté. Je leur demande de s’approprier le livre, de puiser dans les codes du noir, mais à leur façon. » Carte blanche pour série noire, en somme. Une liberté rare dont les réalisateurs -tous des auteurs confirmés – n’ont d’ailleurs pas manqué de s’emparer, apposant leur empreinte toute personnelle à l’écriture et à l’image. Ce sont, à ce stade, huit téléfilms qui se sont tournés entre 2008 et 2009, avec aux commandes: Patrick Grandperret, Dominique Cabrera, Brigitte Roüan, Guillaume Nicloux, Claire Devers, Orso Miret, Laurent Bouhnik ou Emmanuelle Bercot. D’autres devraient suivre, pour lesquels sont déjà notamment avancés les noms de Raoul Ruiz ou de Claire Denis. Du beau linge, donc.

Reste à voir si, comme le dit Guesnier,  » la porte de liberté qui s’est ouverte aujourd’hui, suite à l’enthousiasme de France 2 pour le projet, ne (leur) reclaque pas dans la gueule demain« . En ce sens, la diffusion cet été des films (étalée sur huit dimanches consécutifs) constituera un test décisif. Pas gagné d’avance, surtout que le caractère profondément personnel et insoumis des £uvres, parfois violentes ou très crues, les « condamne » à passer en deuxième partie de soirée, derrière une triplette d’épisodes d’ Urgences autrement plus rassurants pour un public habitué à des programmes formatés. En espérant donc – le résultat étant, dans l’ensemble, plus que concluant – qu’il n’y ait pas mort à l’arrivée

(1) Fondée en 1945 par Marcel Duhamel, la Série Noire, qui fait la part belle à des auteurs anglo-américains – de Raymond Chandler à Dashiell Hammett en passant par Chester Himes -, révèle au public français une nouvelle forme de littérature policière faite d’argot, de violence et d’humour, et plongeant dans la réalité de la rue.

Suite Noire, à voir chaque dimanche de juillet et août en deuxième partie de soirée sur France 2. Premier rendez-vous le 05/07 à 23 h 10 avec On achève bien les disc-jockeys d’Orso Miret.

Texte Nicolas Clément, à Paris

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