Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Les intrépides – Complices depuis toujours, PJ Harvey et John Parish signent un deuxième album en commun. Un disque vibrant, avec l’audace comme seule ligne de conduite.

« A Woman A Man Walked By »

Distribué par Island/ Universal.

On se pose toujours trop de questions. On veut dire: à force de se creuser la tête, de chercher midi à quatorze heures, il est tellement facile de ne plus voir ce qui s’impose naturellement. Prenez quelqu’un comme PJ Harvey. Depuis son premier coup d’éclat en 92, Polly Jean Harvey a toujours été là. Elle n’a jamais eu à faire de come-back: elle n’est jamais partie, ne laissant jamais plus de 4 ans entre deux sorties discographiques, parfois secondaires, jamais anecdotiques. Une manière de se fondre dans le paysage qui lui permet en attendant toutes les audaces. La dernière fois, en 2007, elle publiait White Chalk, disque qui la voyait s’asseoir au piano, laissant sa guitare au repos. Or, la voilà qui revient déjà avec ce A Woman A Man Walked By, réalisé avec John Parish. Soit son âme s£ur, toujours présent, de près ou de loin, depuis le début de sa carrière (elle a commencé dans son premier groupe).

Cache-cache

Ce n’est pas la première fois qu’ils sortent un disque sous leurs deux noms. En 96 déjà, Dance Hall At Louse Point affichait clairement leur collaboration. Avec un schéma de travail précis: à elle, les paroles; à lui, la musique. Publié quelques mois après le classique To Bring You My Love, il pouvait passer pour une récréation. Et à peu de choses près, c’est en effet ce qu’il était. Du coup, douze ans plus tard, A Woman A Man Walked By est présenté de la même manière: une aimable distraction, à laquelle il ne faudrait pas non plus accorder plus d’importance que nécessaire. Comme une route secondaire sans issue. Ah bon? Vraiment? Comment se fait-il alors que l’on s’y perde si facilement?

Car loin d’être accessoire, A Woman A Man Walked By est un album brillant, habité par deux esprits vifs et tranchants. Un disque pas toujours évident, mais jamais abscons. Black Hearted Love ouvre d’ailleurs les débats en terrain connu, les guitares arachnéennes captant dans leur toile tout qui s’en approche d’un peu trop près. Car, même de facture classique, le morceau est aussi ce que PJ Harvey a fait de mieux dans le genre depuis longtemps. Sur le titre suivant, Sixteen, Fifteen, Fourteen, le duo se fait plus inquiétant. Alors que Parish gratte un banjo, PJ Harvey s’en va compter au fond du jardin: « 16, 15, 14,… ». Le soleil se couche, il commence à pleuvoir, où se cachent-ils tous? « There is no laughter in the garden », conclut la chanteuse, troublante. Dans le livret du CD, on la voit s’effrayer devant la pomme (empoisonnée?) tendue par Parish. Sur A Woman A Man Walked By/The Crow Knows Where All The Little Children Go, c’est pourtant elle qui joue le rôle du chasseur ou de l’ogre: « I want his fucking ass », grogne-t-elle dans ce dyptique culotté.

Comment les deux amis ont-ils mis au point une telle alchimie? Après 20 ans de collaboration, Harvey et Parish semblent en tout cas n’avoir jamais été aussi complémentaires. En fait, du faussement éthéré Leaving California au limpide The Soldier en passant par le saturé Pig Will Not, tout respire ici la liberté. On écrirait même la maturité, si le terme n’amenait pas forcément vers des eaux calmes. Alors que plus d’une fois ici le cours déborde de son lit.

En concert, complet, le 14/05 à l’ Ancienne Belgique.

Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content