Pistoleros et zombies

Pierre Place assouvit son amour de l’imagerie mexicaine dans un western zombie, plus lutte des classes que The Walking Dead. Mortel!

Dans cette hacienda mexicaine, quelque part au début du XXe siècle, avant les révoltes zapatistes, l’échelle sociale semblait bien établie voire immuable: les bourgeois tout en haut, les contremaîtres juste en dessous et les bonnes tout en bas. Un petit monde dans le monde qui offrait peu de perspectives aux bonnes, mais qui soudain bascule: dans la cour, faux à la main, apparaît le premier mort-vivant de notre histoire, prêt à arracher la tête de la première señorita qui passe.  » La puta madre, qu’est-ce que c’est que cette horreur!?! » Probablement, Sancho, le premier des « calaveras » à débouler ici, ces figures écorchées aux bouts de squelette apparents dont le folklore mexicain est friand. Des créatures hébétées, muettes et uniquement mues par des pulsions meurtrières. Lesquelles vont faire un sacré ménage dans le coin et surtout révéler à chaque homme et femme ici présents leur propre part de bestialité. Mais le tout, pas aussi aveuglément que de vulgaires zombies! Pierre Place, dans un noir et blanc d’un réalisme et d’une expressivité saisissante et souvent punk, trempe son apocalypse zombie dans les humeurs d’une révolte sociale mexicaine: Muertos porte bien son nom.

Pistoleros et zombies

Traven, Mendez et Romero

Croisé à Angoulême, l’auteur nous explique les origines de ce projet atypique, qui lui aura demandé trois longues années de travail et un parcours éditorial complexe, de la revue Aaargh hélas disparue à ce bel objet édité chez Glénat, écrin rare pour du pulp noir et blanc!  » L’envie est née avec la lecture des romans de B. Traven (pseudo d’un mystérieux écrivain d’origine allemande, auteur dès les années 1920 d’une cinquantaine de romans, dont le fameux Trésor de la Sierra Madre, adapté au cinéma par John Huston, NLDR ). Le Vaisseau des morts et La Révolte des pendus , essentiellement. Il y était question de révolte sociale et de la mort dans le Mexique du début du XXe siècle, ça a tout de suite résonné en moi, picturalement parlant. J’ai pensé à une adaptation, mais j’allais dénaturer l’esprit et la lettre d’un texte parfait. Je m’en suis donc inspiré pour écrire mon propre récit, en compagnie d’autres références stylistiques: les dessins de Posada, les graveurs de l’entre-deux-guerres comme le Belge Masereel ou le Mexicain Leopoldo Méndez, toute la BD US des années 30 à 50.  » On ajoutera à cette belle liste un peu de Breccia pour son usage de l’encre de Chine, et évidemment, l’esprit du cinéaste George Romero qui comme Place, use du zombie et de l’épouvante pour faire oeuvre de critique sociale, avant de nous foutre les jetons.

Muertos

De Pierre Place, éditions Glénat, 152 pages.

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