Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Les deux patrons de Pias, label belge de Soulwax, Miossec et Daan, se voient remettre la prestigieuse médaille de Chevaliers dans l’ordre des Arts et des Lettres.

En 1983, Kenny Gates, Michel Lambot et un troisième larron parti en 1995, fondent à Bruxelles Play It Again, Sam!, initialement un simple distributeur de disques. Un quart de siècle plus tard, Pias est devenu le principal indépendant musical du Vieux Continent. Michel Lambot (47 ans) et Kenny Gates (45 ans) en assument toujours la direction(1). Kenny avoue son étonnement devant la médaille française:  » Pour un ex-punk, c’est difficile de devenir Chevalier (rires). Mais on a accepté avec « a pinch of salt  » et on en profite pour communiquer sur Pias. »

BIDES ET SUCCèS

Cette « communication » prend l’allure d’un bilan industriel qui ne quitte jamais des yeux la musique. Distributeur de disques stars (Depeche Mode, Moby, Franz Ferdinand, Garbage), signataire d’artistes belges emblématiques (de Front 242 à Soulwax), Pias a grandi en prenant des risques. Avec à la clé des bides et du succès. Aidé par de florissantes années 80 de new beat et de rock industriel, Pias pousse en tige face à la concurrence des majors puissamment armés (de dollars). Une croissance qui, à l’été 1999, grimpe encore d’un cran lorsque Pias vend 74,9 % de ses parts au géant indépendant allemand Edel. Le label se retrouve du coup avec un trésor de guerre de 15 millions d’euros.  » La proposition d’Edel nous a permis d’acquérir de nouveaux groupes qu’on n’avait plus les moyens d’acheter, expose Kenny . Sans vendre notre âme au diable. Mais on est passé d’une logique organique à une logique d’anabolisants où on était poussé à s’agrandir, à acquérir des sociétés.  » Deux ans plus tard, Edel prend une déculottée en Bourse, ses actions tombent de 98 à 2 euros! Pias n’a plus qu’un choix: racheter ses parts pour ne pas être engloutie et refinancer une boîte exsangue.

CHAMPS D’ACTION

Pias élague le personnel (300 employés remerciés en 18 mois) et se diversifie pour revivre. Pias Digital en Grande-Bretagne, dès 2004, négocie des accords avec iTunes, le réseau Pias UK (ex-Vital) fait rentrer de l’argent en distribuant outre-Manche des albums de White Stripes, Darkness et autre Franz Ferdinand. Sans oublier la volonté essentielle:  » Garder notre intégrité dans la façon de traiter les artistes ou le business, mélanger au mieux musique et marketing », insiste Kenny . Et lorsqu’on lui parle du procès qu’intente actuellement Front 242 à Pias – pour des histoires d’argent -, il rétorque:  » Cela dure depuis dix ans, on attend la décision de justice. Moby, Depeche Mode et The Prodigy ont déjà audité nos comptes sans jamais avoir quelque chose à y redire.  »

Aujourd’hui, Pias investit d’autres champs d’action, distribue le cinéma (Twin Pics), rachète des droits de foot pour le DVD (600 000 copies du dernier Mundial vendues en Italie) et investigue le territoire des stand-up:  » Le plaisir de voir un stand-up est le même sur le plan physique et mental que de voir un bon groupe rock. Comme le dit notre directeur de marketing aux Pays-Bas: Comedy is the new punk . » Et les nouveaux entrepreneurs sont, parfois, d’anciens punks.

(1) Actionnaire à 45 % chacun, le troisième associé Philippe Saussus, directeur financier, détenant 10 %.

PHILIPPE CORNET

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