Il y a une autre catégorie d’artistes qui n’a pas son pareil pour éprouver les limites, voire se mettre en danger: les performeurs. Interrogé sur la question, Pierre-Olivier Rollin du B.P.S. 22 évoque Kendell Geers (1968), le plasticien sud-africain déjà exposé à Charleroi. « Cet artiste produit pas mal de pièces dangereuses, comme des barrières électrifiées, des explosions dans les musées -ce qui a d’ailleurs occasionné des dégâts au M HKA-, des sculptures avec des tessons de bouteilles qui menacent l’intégrité des visiteurs. Il propage une vision de l’art qui crée des situations extrêmes au travers desquelles le spectateur est éprouvé dans son corps, et pas seulement visuellement ou intellectuellement. Il signe aussi des performances sonores, souvent avec Patrick Codenys de Front 242. Au B.P.S., lors de la performance FuckingFuck, le duo avait enfermé le public dans le noir absolu, les téléphones et les clés étaient confisqués, pendant quinze minutes sans possibilité de sortir de la salle… alors qu’il ne se passait rien. Certaines personnes flippaient vraiment… Par la suite, le public a été soumis à des fréquences sonores très dures. » Dans la foulée, Rollin évoque Marina Abramovic qui, il est vrai, s’est lacérée, flagellée, voire congelée sur des blocs de glace à plusieurs reprises. Sans parler des produits psychoactifs qui ont provoqué des pertes de connaissance spectaculaires. Idem, sans doute un cran plus haut sur l’échelle du risque, pour Chris Burden, qui ne s’est pas épargné, au point de frôler la mort à plusieurs reprises: crucifixion, enfermement dans un casier métallique de 60 x 60 cm pendant cinq jours… Sans parler du fameux Shoot, performance lors de laquelle il a demandé à un partenaire de lui tirer dessus à moins de cinq mètres de distance. « Chance », la balle n’a fait que ricocher sur son bras… et lui a permis d’être repéré par le galeriste Larry Gagosian. Dans la série des trompe-la-mort, le directeur du B.P.S. songe aussi à Boris Ondreika qui « avait enflammé un cascadeur et qui comptait jusqu’à vingt avant que l’on puisse l’éteindre » ou à Tanja Ostojic et « ses performances superhard, un peu après la guerre dans l’ex-Yougoslavie« . Rollin de conclure: « C’est souvent dans le domaine de la performance que les gestes les plus forts ont été accomplis. Parce qu’il y a un face-à-face déstabilisant pour le public qui voit un autre corps se mettre en danger devant lui, sans l’intermédiaire d’une oeuvre matérielle. C’est une sorte de « réflexe d’espèce » qui produit de l’empathie. »

M.V.

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